Disparition de l’une des figures les plus brillantes et les plus sulfureuses du cinéma italien des années 70-80. Bernardo Bertolucci avait 77 ans.
Bernardo Bertolucci était un cinéaste sulfureux. Il n’a pas fallu attendre, il y a cinq ans, ses aveux sur les circonstances du tournage de la scène (trop fameuse) de sodomie (simulée) du Dernier tango à Paris, avec Marlon Brando et Maria Schneider – improvisée sans que l’actrice en ait été avertie au préalable – pour le savoir : le cinéma de Bertolucci était imprégnée de folie sexuelle. Une folie sexuelle qui cristallisait les errements politiques, psychologiques, historiques (comme dans 1900) des hommes et de leurs sociétés.
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https://www.youtube.com/watch?v=Jw3SFWTNxNk
BB naît au début des années 40. Fils d’un poète et critique de cinéma parmesan, il débute au cinéma comme assistant de Pier Paolo Pasolini sur Accatone. Il n’a pas vingt ans. Bertolucci est au fait de tout : il fréquente Paris, la cinémathèque française, les Cahiers du cinéma, Godard, est ami avec Philippe Garrel. Il vit sa jeunesse au milieu d’une époque politiquement et intellectuellement très engagée, la génération de Marco Bellocchio aussi, si marquée par les expériences de toutes sortes (drogues, libération sexuelle, psychanalyse, etc.), qui fondent un monde instable et stimulant.
https://www.youtube.com/watch?v=RtAphYxZibc
C’est Prima della rivoluzione, son deuxième film, tourné en 1964, qui marque l’entrée de Bertolucci en tant que cinéaste dans la cour des grands. Il y met en scène un jeune homme communiste tiraillé entre ses aspirations bourgeoises et l’envie de s’engager auprès des gauchistes. BB est en phase avec les déchirements politiques qui amèneront à la tentation du « compromis historique » entre la Démocratie Chrétienne et le Parti Communiste et déclenchera la lutte armée et terroriste en Italie dans les années 70 (les Brigades rouges contre l’extrême-droite, pour faire simple).
Bertolucci lui-même, dans un deuxième temps, va incarner ce choix impossible. Après avoir co-écrit le scénario d’Il était une fois dans l’ouest de Sergio Leone, il s’oriente vers un cinéma plus riche, plus bourgeois, à grand budget. Le Dernier tango à Paris est un film fulgurant, provocateur, mais un peu trop conscient de lui-même. Le conformiste, déjà, film sur un traître, d’après le roman de Moravia, s’inscrit un peu maladroitement dans la mode « rétro » qui sévit au début des années 70. 1900, en revanche (qui sort actuellement en Blu-ray en version restaurée), est un film politique sur la période du fascisme d’une sidérante violence.
Bertolucci gravit ensuite les marches de la reconnaissance mainstream avec le très consensuel Dernier empereur, grande fresque historique qui va lui valoir de remporter neuf oscars. Il enchaîne sur quelques films de ce genre (Un thé au Sahara, Little Buddha) dévaluant sa singularité d’auteur dans des superproductions culturelles sans enjeu. Il semble perdu dans un mercantilisme bien éloigné des aspirations de sa jeunesse. Dans les années 1990-2000, il se perd dans des bluettes lisses (Shandurai), voire libidineuses (Beauté volée).
https://www.youtube.com/watch?v=TOaysZ8hKvE&t=49s
Et puis il tourna Toi et moi, son dernier film, en 2012, injustement méconnu, où il reparlait une dernière fois de l’inceste (un des motifs qui structurent son oeuvre, de La luna en 1978 à The dreamers en 2003). Mais le regard du cinéaste avait sur la fin repris de son tranchant, lucide, tendre, sur les enjeux profonds, mystérieux qui agitent souterrainement la sexualité humaine.
Il est mort à Rome, d’un cancer qui le rongeait depuis des années.
Filmographie de Bernardo Bertolucci :
1962 : Les Recrues (La commare secca)
1964 : Prima della rivoluzione
1968 : Partner
1969 : La Contestation ( Amore e rabbia) séquence Agonia
1970 : La Stratégie de l’araignée (Strategia del ragno)
1970 : Le Conformiste (Il conformista)
1972 : Le Dernier Tango à Paris (Ultimo tango a Parigi)
1975 : 1900 (Novecento)
1979 : La Luna
1981 : La Tragédie d’un homme ridicule (La tragedia di un uomo ridicolo)
1987 : Le Dernier Empereur (L’ultimo imperatore / The Last Emperor)
1990 : Un thé au Sahara (The Sheltering Sky)
1993 : Little Buddha
1996 : Beauté volée (Stealing Beauty)
1998 : Shandurai (Besieged)
2001 : Ten Minutes Older: The Cello (segment Histoire d’eaux)
2003 : Innocents: The Dreamers (The Dreamers)
2012 : Moi et toi (Io e te)
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