Elle était plutôt une actrice populaire qu’une star, mince frontière qui sépare l’icône inaccessible de la comédienne célèbre que l’on sent proche des gens (à tort ou à raison). Annie Girardot avait beau avoir tourné dans des dizaines de films dont certains énormes succès, on avait le sentiment qu’on aurait pu la croiser au bar-tabac […]
Elle était plutôt une actrice populaire qu’une star, mince frontière qui sépare l’icône inaccessible de la comédienne célèbre que l’on sent proche des gens (à tort ou à raison).
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Annie Girardot avait beau avoir tourné dans des dizaines de films dont certains énormes succès, on avait le sentiment qu’on aurait pu la croiser au bar-tabac du coin de la rue et engager la conversation comme avec n’importe quel quidam.
C’est sans doute sa gouaille, sa voix des faubourgs, son phrasé très cash qui donnaient cette impression.
De fait, Annie Girardot a régné sur le cinéma populaire des années 50, 60 et 70, tournant avec les Delannoy, Boisrond, Cayatte, La Patellière, Grangier, Hunebelle et autres cinéastes « à la papa » qui allaient se faire balayer par la génération Godard-Truffaut. Mais Girardot a continué sa carrière sur les cîmes du box-office avec des cinéastes plus jeunes, cartonnant chez Claude Lelouch (Vivre pour vivre), Michel Cournot (Les gauloises bleues), dans de grosses comédies (le célèbre Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais elle cause de Audiard père) comme dans ce qu’on appelait à l’époque les « drames psychologiques » (Mourir d’aimer de André Cayatte).
Si Annie Girardot a raté le train de la Nouvelle Vague, elle a décroché un rôle inoubliable dans l’un des plus beaux mélos politiques du monde, Rocco et ses frères de Luchino Visconti.
Accompagnée de Alain Delon et Renato Salvadori (son futur compagnon), Annie Girardot touchait au sublime dans cette tragédie grecque transposée dans le prolétariat italien de l’après-guerre.
Les années quatre-vingt seront celles de son déclin, logique et naturel. Des actrices plus jeunes (Nathalie Baye, Karin Viard…) la remplacent dans la catégorie « actrices très populaires », même si Annie Girardot ne disparaît pas des radars et continue d’apparaître dans quelques films notables comme Merci la vie de Bertrand Blier, puis après une longue éclipse, chez Michael Haneke.
Elle part au lendemain des César et des oscars, alors qu’elle avait obtenu l’une des premières compressions en 1977 pour le très populaire mais oubliable Docteur Françoise Gailland de Jean-Louis Bertucelli. On n’a pas oublié ses larmes sur la scène des César en 1996, pour son rôle dans Les Misérables, submergée par l’émotion de revenir sous le feux des projecteurs et d’être à nouveau reconnue par le milieu du cinéma.
A quelques exceptions près, la filmographie de Annie Girardot aura tutoyé des sommets plutôt commerciaux qu’artistiques. Mais même si ses films vraiment marquants se comptent sur les doigts d’une main (aller, peut-être deux), on est triste de voir disparaitre une grande actrice, et sans doute une grande dame. Arrivederci Nadia !
Serge Kaganski
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