Le cinéaste français Alain Jessua est mort hier, à Paris. Il avait 85 ans.
Le cas d’Alain Jessua est très intéressant. Il présente à l’origine toute l’apparence du bon élève de la profession du cinéma. Contrairement à ses contemporains de la Nouvelle Vague, il a suivi le Cursus honorum du métier, commençant comme assistant chez Max Ophüls, Marcel Carné, Yves Allégret ou Jacques Becker. Après un court métrage récompensé par le prix Jean-Vigo en 1957, Léon de la Lune, il passe à la réalisation au début des années 60.
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Mais ce sont les années 70 qui vont le consacrer. Il fait alors tourner toutes les grands acteurs et actrices, voire des stars, du cinéma français de son époque : après Charles Denner, il travaille avec Alain Delon (plusieurs fois), Annie Girardot, Jean Rochefort, Michel Serrault, Jean Yanne, Gérard Depardieu débutant, Patrick Dewaere (dans son dernier film de ce dernier avant son suicide, Le Paradis pour tous). La crème de la crème.
Prophétiser sur les angoisses d’époque
Sur le papier, ses réalisations sont des films grand public qui traitent de sujets d’actualité, parfois politique. On pourrait le rapprocher d’un Yves Boisset. Sauf qu’il y a quelque chose qui cloche, qui flotte dans le cinéma de Jessua, malgré sa forme en apparence très sage des faiseurs de son époque, comme Henri Verneuil. Ses films sont assez étranges. Il essaie de prophétiser l’avenir en tirant à l’extrême des angoisses d’époque : les méfaits de la publicité, la multiplication des écrans, le crime en direct, la science au service du bonheur, les immigrés, etc.
Ses films (pas tous bons, surtout à partir de 1980) n’ont pas peur de montrer la violence, de la mettre en scène avec un sens de la précision et du découpage, qui lui évite en particulier de s’exposer aux foudres de la censure. Par exemple, dans Armaguedon (joué et produit par Alain Delon), Jean Yanne tue un couple de prostitué.e.s à qui il a demandé de faire l’amour devant lui en les électrocutant en pleine action. Des scènes comme celles-ci, il y en a souvent dans les films de Jessua. En somme, en terme de « politique des auteurs », il était un auteur à l’américaine : il parvenait parfois à exprimer des thèmes, des obsessions dans des films en théorie destinés au grand public. Avec un forme plus subtile qu’on aurait pu le croire au premier abord.
C’est sans doute pour cette raison qu’en avril dernier, la Cinémathèque française lui avait consacré une rétrospective à laquelle il avait participé.
Filmographie
- 1956 : Léon la lune (court métrage)
- 1964 : La Vie à l’envers
- 1967 : Jeu de massacre
- 1973 : Traitement de choc
- 1977 : Armaguedon
- 1979 : Les Chiens
- 1982 : Paradis pour tous
- 1984 : Frankenstein 90
- 1988 : En toute innocence
- 1997 : Les Couleurs du diable
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