MORT À VENISE de Luchino Visconti, avec Bjorn Andressen, Dirk Bogarde, Silvana Mangano (1971, Italie, 132 mn, VO) Dans la brume de Venise et le faste rococo des grands hôtels 1900, Visconti filme l’apparition du désir comme une révélation fatale.Le voir. Attirer sur moi son regard. Capter son attention, un instant, pour l’éternité. Passé un […]
MORT À VENISE de Luchino Visconti, avec Bjorn Andressen, Dirk Bogarde, Silvana Mangano (1971, Italie, 132 mn, VO)
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Dans la brume de Venise et le faste rococo des grands hôtels 1900, Visconti filme l’apparition du désir comme une révélation fatale.
Le voir. Attirer sur moi son regard. Capter son attention, un instant, pour l’éternité. Passé un certain âge, le désir peut être une tragédie. C’est cette tragédie que met en scène Mort à Venise. Un vieux compositeur part exorciser son manque d’inspiration à Venise, et le destin du créateur bascule quand son regard se pose sur un adolescent sublime, incarnation brutale de cette grâce qui lui échappe. Ce n’est pas la seule perfection plastique du cadre et de l’adolescent Tadzio qui fait de Mort à Venise un film sublime. Le sublime dans Mort à Venise naît du contraste saisissant entre une esthétique ronflante en panoramique et Cinémascope sur fond de Cinquième Symphonie de Mahler, et le recours obsessionnel à un procédé cinématographique méprisable : le zoom. Procédé méprisable parce qu’il transforme n’importe quelle caméra en viseur de fusil et place le spectateur dans la position embarrassante de voyeur. Le génie de Visconti consiste précisément à mettre en scène la violence d’un désir fou, incontrôlable, à travers cet artifice cinématographique. Zoom avant, la tragédie est enclenchée : le compositeur ne voit plus que l’adolescent sublime. Aveuglé par son désir, Aschenbach se révèle être une vieille folle honteuse, claudicante. Et il se farde outrageusement, jusqu’à crever de ridicule à attendre le moindre regard d’une petite pute alléchante. Si le zoom avant rapproche et isole le sujet, le zoom arrière fait disparaître ce même sujet dans le décor. Par ce jeu subtil de zooms avant-arrière, Visconti dit tout de cette tragédie de l’objet révélé qui se dérobe au regard.
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