Un fil-monde sur trois petits voyous marocains qui embrasse large et étreint encore plus fort.
La promo ne se gêne pas pour exploiter le nom de Martin Scorsese qui, dit-on, adore le film. Pas étonnant : Mort à vendre est le Mean Streets maghrébin.
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Dressant un tableau vaste et varié de la vie d’une petite ville de la côte nord marocaine, Tétouan, et par extension de quasiment tout le pays, le troisième film de ce cinéaste déjà remarqué conjugue un filmage inspiré – emploi inspiré et maîtrisé du décor urbain, capté avec adresse et vitalité –, et une peinture complexe d’une société.
Le tout vu à travers les yeux de trois petits voyous glandeurs, Malik, Allal et Soufiane, qui peinent à atteindre leurs rêves de grandeur mafieuse (au-delà du vol de sac à main), visant à devenir des dealers respectés. Cette ambition, vite déçue, les emmène sur des terrains accidentés voire minés.
Malik, amoureux d’une belle prostituée, tente de se ranger en devenant indic ; Soufiane glisse sur la pente savonneuse de l’intégrisme ; le troisième, sorti de prison, prépare un “gros coup”. D’où un récit mouvementé, fracturé et plein de revirements, au gré de ceux des personnages, avec leurs volte-face, leurs conflits et leurs réconciliations.
L’œuvre nuancée fuit tout moralisme, montrant que chaque situation à son envers et que chaque lien est relatif. Sa force est de ne pas vouloir “faire polar” à tout prix (la place de la police dans le récit est assez succincte), ni de bluffer avec des séquences musclées, – quoique le film soit d’un dynamisme épatant, reposant sur un grand sens chorégraphique –, mais de faire déborder la vraie vie de toutes parts.
C’est un film de genre qui englobe le réel, les à-côtés triviaux, la famille,
très loin de la mécanique à l’américaine (ou alors celle des premiers Scorsese, justement, qui donnaient autant de place à la vie, à la ville qu’à l’action).
Un film noir social, si l’on veut, qui se déploie tant sur le front du romantisme amoureux, auquel il se donne sans retenue, le temps de quelques séquences presque nunuches, que sur celui du monde du travail – la sœur de Malik travaille à l’usine –, comme du côté du lâcher-prise débridé (amitié
et biture).
Cela sans oublier une foule de personnages secondaires. Cette même sœur, par exemple, vit un amour clandestin avec un homme marié ; ou leur père, qui n’est pas leur père, mais leur oncle, boulanger trafiquant d’étiquettes de marques de luxe, etc. Cela n’empêchant pas d’impeccables scènes d’action, comme une poursuite sur les toits et dans le lacis des ruelles. La réponse du Maghreb à un cinéma policier français englué dans ses certitudes.
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