La principale ville du Québec attire les plus grosses productions américaines. Grâce au savoir-faire de ses entreprises, la diversité de ses décors et la qualité de ses équipes, la cité des bords du Saint-Laurent commence à concurrencer la cité des Anges.
Le centre-ville de Montréal est quadrillé pour plusieurs jours. Et ce n’est pas la première fois que ça arrive. Les rues sont barrées par des panneaux d’interdiction de stationner posés la veille. Les quelques voitures rebelles finissent à la fourrière. Rien n’est laissé au hasard pour le tournage du film Brooklyn qui devrait durer un peu plus de deux semaines. Les scènes se déroulant dans les années 50, les quelques badauds découvrent des voitures et des costumes d’époque. Sur les réseaux sociaux, certains ont même réussi à voler quelques clichés de l’actrice Sarah Gadon, l’héroïne du film.
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Depuis le milieu des années 80, le Canada, et surtout Montréal, attire sur son territoire les productions étrangères et notamment américaines. « Il y a toujours eu des infrastructures consacrées au cinéma à Montréal, et ce depuis les années 1950 avec la venue de l’Office national du film et la mise en place de la télévision publique. A partir de là, la ville a commencé à développer son expertise », explique Daniel Bissonnette, directeur cinéma, festivals et événements à la Ville de Montréal.
Depuis 2000, 150 productions étrangères et surtout américaines, ont été reçues, comme X-Men, L’étrange histoire de Benjamin Button de David Fincher, The Aviator de Martin Scorsese ou encore pour la saison 2014/2015 des films comme The Walk ou Brooklyn. D’autres ont choisi d’y faire réaliser leurs effets visuels comme Game of Thrones ou Hunger Games.
Cette saison, l’industrie cinématographique a généré 1,4 milliard $ en revenus et 33 000 emplois, d’après le Bureau du cinéma et de la télévision du Québec (BCTQ).
Le secteur connaît depuis six ans une croissance annuelle moyenne de 26%. « C’est une année record », ajoute Pierre Moreau, responsable de la promotion internationale au BCTQ. Pour l’emploi aussi, cette affluence est une excellente nouvelle. Daniel Bissonnette cite le cas d’X-Men :
« Le film a été tourné en 2013, l’équipe est venu avec 25 personnes et sur place, ils ont engagé 1000 personnes et 500 figurants. »
Pour faire venir ces grosses productions, le BCTQ observe plusieurs tactiques. Il les invite à visiter la ville, ses infrastructures, sa diversité. « Grâce à son architecture, Montréal permet de créer un univers des années 20, 40 ou 2000″, explique Pierre Moreau. Les équipes du BCTQ vont aussi rencontrer les producteurs à Los Angeles même ou lors de festivals comme à Berlin ou Cannes.
Les explications de ce succès sont nombreuses. « Les studios que nous offrons sont gigantesques, jusqu’à 12 000 m2 et les équipes ont tout sur place. Elles n’ont pas besoin de courir à droite ou à gauche comme à Los Angeles », affirme Michel Trudel, du haut de son imposante carrure. Il est le co-fondateur des studios Mels qui proposent entre autre de la location d’équipement et de studios. Aujourd’hui, il en est le président et passe ses journées à courir à droite à gauche dans ses studios qui se composent de plusieurs hangars gigantesques à hauts plafonds et de murs de couleur neutre. La place est faite pour des décors et l’installation du matériel de tournage tel que des fonds verts, les rails pour faire des travelling, des perches, des micros, du matériel de prise de son, des écrans, des moniteurs et parfois même des grues.
« Nous avons une grande quantité de talents dans les différents domaines du cinéma », affirme Daniel Bissonnette. C’est à Montréal que l’un des outils les plus utilisés pour les effets visuels, Softimage, a été conçu par un Québécois en 1986. Ce logiciel a d’ailleurs été utilisé pour Jurassic Park. Aujourd’hui, on dénombre au Québec une trentaine de studios d’effets visuels qui travaillent pour des productions du monde entier.
« De nombreuses entreprises porteuses de beaux projets ont pignon sur rue comme Technicolore, MPC ou encore Frame Store. Elles sont réputées pour la qualité de leur main d’œuvre », ajoute Pierre Moreau.
« Montréal a toujours été un riche bassin de talents »
Certaines d’entres-elles se regroupent dans la cité du multimédia, un quartier au sud du centre-ville.
Ara Khanikian, superviseur VFX (visual effects) au studio montréalais Rodeo FX, a notamment remporté un prix pour son travail sur le film Birdman. Il assure : « Avec la création de Softimage, Montréal a toujours été un riche bassin de talents. Aujourd’hui, de nombreuses écoles y proposent des formations dans le domaine ». Depuis plusieurs années, un glissement s’est opéré. Les talents ne se trouvent plus tous à Los Angeles, mais à Vancouver, Londres et Montréal. « Nous attirons toutes sortes de production, des comédies romantiques aux films d’actions très hollywoodiens », poursuit Ara Khanikian.
Mais ce qui attire surtout les productions étrangères au Québec, ce sont les crédits d’impôts. Pierre Moreau, ne cache pas que « c’est évidemment ce qui pèse le plus dans la prise de décision des productions, d’autant plus qu’ils sont avantagés par la faiblesse du dollar canadien ». Cette initiative date de 2009, lorsque des professionnels rencontrent les membres du gouvernement provincial pour demander une aide, afin de rendre le Québec compétitif. Aujourd’hui, l’ensemble des dépenses d’une production peut être admissible à un crédit d’impôt de 25%.
La demande est si importante, que la Ville de Montréal a déjà dû refuser certains projets, « car nous n’avons pas la capacité de les accueillir, mais nous sommes toujours en train de développer de nouvelles infrastructures pour répondre à la demande », termine Pierre Moreau. Le résultat vaut le coup : Ara Khanikian supervise actuellement les effets visuels de la saison 6 de Game of Thrones. Un travail d’environ six à sept mois qui profitera une fois de plus, à dorer l’image de Montréal dans le domaine.
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