En filmant un centre de médiation pour parents divorcés, Claudine Bories saisit tout un théâtre des affects. Douloureux et drôle, sensible et juste. Quand un couple divorce, la garde des enfants est le plus souvent confiée à la mère, le père se voyant octroyer un droit de visite, généralement pour un week-end sur deux et […]
En filmant un centre de médiation pour parents divorcés, Claudine Bories saisit tout un théâtre des affects. Douloureux et drôle, sensible et juste.
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Quand un couple divorce, la garde des enfants est le plus souvent confiée à la mère, le père se voyant octroyer un droit de visite, généralement pour un week-end sur deux et la moitié des vacances. Quand ces procédures se passent mal, le droit de visite est alors organisé par un centre de médiation : dans ces locaux « neutres », l’enfant passe de la mère au père et retour au bout d’une heure ou deux.
Par ailleurs, des conseillers sont à l’écoute des parents qui souhaitent exposer leurs difficultés. C’est dans un de ces centres que Claudine Bories a installé sa caméra. On pressent ce qu’un tel sujet peut comporter comme potentiel voyeuriste, la présence d’enfants renforçant le risque de sensiblerie facile.
Or, Monsieur contre madame est absolument exempt de ces défauts et Claudine Bories a évité les pièges avec talent en abordant son projet avec les bonnes questions et les intentions justes. D’abord, avant de tourner son premier mètre de pellicule, la cinéaste a passé beaucoup de temps dans le centre, observant les choses, discutant avec le personnel et les visiteurs, nouant quelques liens après un long et patient travail d’approche. Ce travail hors champ se sent dans le film : jamais elle n’aurait capté ce qu’elle a capté en débarquant à la dernière minute comme une équipe TV lambda. Par ailleurs, la cinéaste n’a superposé aucun commentaire et s’en est strictement tenue au centre, évitant ainsi la sociologie explicative ou le mélodrame facile.
Et qu’a-t-elle capté ? Des petits détails, des gestes, des regards, des positions de corps, des attitudes, une façon de se tenir dans un couloir, le rythme d’une porte qui s’ouvre ou se referme, des paroles diverses, une configuration des lieux qui matérialise parfaitement les stratégies et mesquineries des familles divorcées. Concrètement, cela donne un couple où monsieur évite absolument de croiser le regard de madame (qui n’est qu’à un mètre), un enfant qui dort pendant que monsieur lit le journal (dilapidant ainsi son précieux temps de visite), un garçonnet qui roule sur son petit camion de la pièce papa à la pièce mitoyenne maman…
Il y a ici beaucoup d’affects explosifs, de ressentiments rentrés, de la tragédie, mais aussi un brin de comédie : un monsieur s’impose comme véritable personnage burlesque et joue le rôle de sa vie. En refusant de s’intéresser aux causes et raisons de chacun ou de prendre parti pour l’un ou l’autre, Claudine Bories a filmé la théâtralité des couples déchirés, le « cinéma » des affects familiaux, la « scène » où se croisent l’intime et le social. Et c’est ainsi qu’elle fait œuvre de cinéaste.
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