Les aventures d’un poisson amnésique dans un aquarium géant. Une petite merveille.
Le Monde de Nemo pouvait apparaître comme un titre un peu plat, traduisant mal l’esprit de poursuite, le mouvement perpétuel du Finding Nemo original. Mais tandis que le même choix s’applique aujourd’hui à sa suite, Finding Dory, c’est soudain le titre français qui sied le mieux : en effet rien ne nous intéresse tant ici que le “monde” déformé par l’amnésie de Dory, ancien comedy sidekick devenu l’un des personnages les plus passionnants de Pixar.
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Dory souffre de troubles de la mémoire immédiate ; frappée un jour d’une fugace image d’enfance, elle file à la recherche de ses souvenirs – petite conscience perdue dans le noir, conjurant l’oubli par l’action, risquant non seulement de ne rien retrouver, mais aussi de se perdre elle-même. Elle atterrit dans un grand aquarium californien rempli de réminiscences, où démarre un haletant jeu de piste.
Un nouveau grand Pixar conceptuel
Que Dory oublie, c’est pour le film à la fois un jeu, un ressort tragique bien sûr, mais aussi une bombe dramaturgique : toutes les scènes sont comme déconnectées les unes des autres, isolées dans leur bulle de temps. C’est cette mémoire mouvante, gonflant et réduisant comme une marée, qui fait du film d’Andrew Stanton un nouveau grand Pixar conceptuel, à l’instar de Vice versa dont il est sans doute plus proche que de Nemo.
Car Le Monde de Dory se passe symboliquement à l’intérieur d’un cerveau à rafistoler : nous ne sommes plus dans l’immensité de l’océan, mais dans sa projection ludique et pédagogique, directement héritée du parc d’attractions mental de Riley, l’héroïne de Vice versa.
Plus ramassé dans l’espace que Nemo, mais pas moins odysséen, le film poursuit ainsi une ambition à la fois mélodramatique et théorique que Pixar affiche d’une façon de plus en plus manifeste, à travers des films qui, même quand il s’agit de suites, s’affirment comme les prototypes d’un entertainment mental que le studio semble résolu à pousser très loin. Tant mieux.
Le Monde de Dory d’Andrew Stanton et Angus MacLane (E.-U., 2016, 1 h 35)
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