Version restaurée du premier film en couleur de Tati. Et la couleur, chez lui, ça voulait dire beaucoup.
Dans ce deuxième volet des aventures de M. Hulot (après Les Vacances de M. Hulot, qui était en noir et blanc), Jacques Tati accède à son vieux rêve de couleur. C’est extrêmement important. Car ce désir remonte à Jour de fête, son tout premier film, dont il tourne en même temps deux versions : l’une sur pellicule couleur (l’officielle), l’autre sur pellicule noir et blanc (par sécurité).
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Mais les moyens techniques et surtout financiers dont il dispose en 1949 ne lui permettent pas de développer la couleur. C’est donc en noir et blanc que demeurera longtemps Jour de fête, avant que la fille de Tati (mort en 1982), la monteuse Sophie Tatischeff, ne parvienne à en sortir une version couleur en 1995.
La couleur est donc une histoire importante pour le cinéaste français. Rappelons que Tati vient du monde du spectacle, du cirque, du music-hall, où il s’est illustré comme mime sportif (des numéros célèbres qu’il reprendra d’ailleurs dans son dernier film, Parade, en 1974), faisant notamment l’admiration de l’écrivaine Colette. C’est peut-être là qu’il faut aller chercher ce goût très marqué pour la couleur : dans le monde du spectacle vivant, des projecteurs, des costumes scintillants, du strass et des paillettes, dont il est issu (il restera toujours fidèle à ce monde en faisant souvent appel à des clowns).
Mon oncle n’aurait aucun sens sans la couleur. D’abord, elle permet à Tati de marquer bien distinctement l’opposition entre deux mondes : celui des vieux quartiers de la banlieue parisienne, avec ses immeubles en brique, son architecture foutraque, ses résidents d’extraction populaire, ses chiens errants, ses couleurs nuancées et complémentaires. Et celui de la modernité naissante, avec ses villas aux lignes bien droites et lisses, son électroménager que personne ne parvient parfaitement à maîtriser, ses voitures rutilantes, sa mode vestimentaire excentrique, ses couleurs franches, vives, primaires.
Enfin, elle lui donne aussi l’occasion d’estomper cette opposition, en décrivant des espaces entre deux zones (des bouts de mur qui tombent, des grillages déchirés), ces zones intermédiaires entre les deux mondes qui marquent aussi son propre doute face à l’évolution du progrès : est-il si mauvais que semble le dire Mon oncle, qui insiste en apparence
sur l’absurdité des objets nouveaux, des gadgets électriques, et surtout leur inadaptation aux capacités psychomotrices des bonnes gens ? Pas sûr, pas sûr, semble penser le metteur en scène contre son propre film. C’est ce qui en fait la beauté, livrée ici dans une version restaurée.
En salle le 18 décembre
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