Une esthétisation aussi grossière que complaisante du périple de deux migrants sénégalais vers l’Europe.
Avec Moi capitaine, le cinéaste Matteo Garrone (Gomorra, Dogman) troque pour la première fois son Italie natale contre les terres arides du Sahara pour narrer l’odyssée de Seydou et Moussa, deux jeunes Sénégalais qui fuient leur quotidien de Dakar pour migrer vers l’Europe. En reprenant une architecture narrative très hollywoodienne pensée à destination du public le plus large possible, le film tente d’entremêler un témoignage sur la crise migratoire actuelle à un regard plus large sur l’épopée homérienne.
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Alors que le voyage fera subir les pires humiliations et sévices à ces deux protagonistes, le film se démultiplie en une myriade de panoramas de l’Afrique du Nord évoquant un nuancier du National Geographic, dont le montage dilué sans cesse par les ellipses évitera de s’attarder trop longuement sur les étapes les plus difficiles. Incapable de repenser son approche au monde d’une manière un peu plus profonde que le simple orientalisme, le film préfère produire de purs tableaux esthétisants tout en peintures luxuriantes et en percées oniriques. Le maître-mot semble être de ne pas entacher la poésie du film au travail. Surtout, garder les mains propres.
Omission du réel
Qu’on ne s’y trompe pas, le réalisme magique promu par le film apparaît avant tout comme un moyen de ne prendre aucune position politique ou d’émettre une pensée critique sur la crise de l’accueil en Europe. Sous prétexte d’une approche épique et universelle, Garrone produit une esthétisation édulcorée de la migration habilement polie à l’égard des politiques européennes et italiennes qui resteront parfaitement épargnées. Les prisons libyennes comme celle dans laquelle Seydou est torturé puis vendu comme esclave sont filmées comme des manifestations barbares et inhumaines totalement autonomes alors qu’elles sont la conséquence directe des politiques d’externalisation des frontières et du contrôle migratoire mis en place par l’UE.
Une omission du réel toujours plus grande lorsque le récit du film se clôture volontairement un peu tôt, et tente de se déguiser en happy end. C’est la fin d’un cauchemar et le début d’un autre, mais celui-ci sera relayé en hors-champ et épargné à son·sa spectateur·ice. Il s’agirait quand même de ne pas trop heurter sa quiétude.
Moi capitaine de Matteo Garrone, en salle le 3 janvier.
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