Un nanar qui classe définitivement Sophie Marceau parmi les réalisateurs les plus bizarres de l’époque.
Le troisième long-métrage de Sophie Marceau en tant que réalisatrice fait partie de ces films dont on se demande quel besoin créatif a présidé à leur genèse. Quelle était l’urgence, la passion qui habitaient Sophie Marceau lorsqu’elle écrivait un scénario où un escroc se déguise en femme et loue l’appartement mitoyen pour voler une oeuvre d’art à une éditrice de romans à l’eau de rose ? Quel producteur a trouvé l’idée géniale ? Quelle SOFICA s’est dit qu’elle tenait là un excellent investissement ? Les seuls noms de Sophie Marceau et de Pierre Richard auraient-ils suffi à les en convaincre ? Sans doute. Mais c’est raté.
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Le problème est d’abord scénaristique : rien n’est vraisemblable et le spectateur ne peut l’accepter parce qu’il n’en tire aucun bénéfice en terme de plaisir, de rire. Au cinéma, pour qu’un homme se déguise en femme ou vice versa, il faut qu’il y ait une bonne raison de le faire, une question de vie ou de mort : dans Certains l’aiment chaud de Billy Wilder, Tony Curtis et Jack Lemmon se déguisent en femmes pour échapper à la pègre qui veut les tuer. Dans Victor Victoria de Blake Edwards, c’est la misère, la faim, qui poussent Julie Andrews à se travestir en homme. Ici, rien n’explique pourquoi Pierre Richard se transforme en femme alors qu’il lui suffirait tout bêtement de cambrioler l’appartement de Sophie Marceau qui passe ses journée à son bureau…
Déguiser Pierre Richard en femme des années 50, voilà une idée un peu courte pour réaliser un long-métrage et croire que le public va rire pendant 90 minutes. De même, les fantasmes exotiques et romanesques de Sophie Marceau, mis en images de manière bâclée, glissés maladroitement par-ci par-là, quand il y a une place, ne sont pas drôles parce qu’ils n’évoquent rien, n’expriment aucune idée, n’ont pas été pensés, travaillés. Réussir à rendre une comédie aussi peu drôle tient quasiment de l’exploit.
Le film peut aussi se targuer d’être le seul film mettant en scène un personnage qui arbore les vêtements attachés à un autre sexe où il n’est jamais question de sexualité, de fantasmes, de bouleversement de sa vision du monde (dans Tootsie ou même dans Mrs Doubtfire, la question se pose, forcément). La sexualité, le film l’évite tout le temps, sans qu’on parvienne à déceler s’il s’agit seulement d’attirer un public familial ou si l’auteur aurait effectivement un problème avec cette question-là. Ce qui, au fond, serait assez intéressant, voire passionnant. Autre tabou : l’amour. A aucun moment n’est par exemple évoquée ne serait-ce l’idée qu’il pourrait y avoir quelque chose de naissant entre une quinquagénaire fringante et un octogénaire bondissant. Pourquoi ? Serait-ce sale, choquant ? On ne sait pas.
Avec un peu de réflexion, et après avoir lu le dossier de presse du film, on comprend assez bien ce qu’a souhaité réaliser Sophie Marceau : un mélange entre Le Magnifique et L’Incorrigible de Philippe de Broca, avec Jean-Paul Belmondo. L’histoire d’un écrivain de roman d’espionnage à deux balles qui s’identifie à son personnage Bob Sinclar (genre SAS) d’un côté, de l’autre le portrait d’un homme fantasque, mythomane, escroc, mais séduisant, plein d’énergie, capable de donner du sel romanesque, de la poésie au réel.
Mais ce n’est pas du tout ce que joue Pierre Richard. Il le dit, l’explique, dans un monologue auquel on ne s’attendait pas du tout. Comme souvent dans les scénarios de débutants, les dialogues servent à expliquer au spectateur ce que le film ne montre pas du tout. C’est au fond ce qu’il y a de plus redoutable dans le film : les acteurs ne jouent absolument pas les personnages qu’ils sont censés jouer…
D’où ce film improbable, un vrai nanar, qu’on retrouvera dans l’équivalent futur de la collection DVD de René Château, sur une plateforme VOD consacrées aux « curiosités » poussiéreuses.
Un dernier conseil : si vous souhaitez quand même voir le film, regardez la bande-annonce. Tout y est..
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