Un film noir qui démonte en quelques plans les clichés du genre. A voir pour l’intensité du jeu des acteurs, à la violence rentrée et menaçante.
Nous n’irons pas voir Mikey & Nicky pour son histoire, celle d’une longue amitié entre deux hommes dont on va bientôt découvrir qu’elle repose surtout sur un tas de vieilles rancœurs : elle n’a guère d’intérêt. Nous n’irons pas voir non plus Mikey & Nicky pour la mise en scène d’Elaine May – un filmage à trois caméras, dont l’hectokilomètrage de pellicule entraîna près d’un an et demi de montage. Nous irons plutôt voir Mikey & Nicky pour ses décors urbains et nocturnes sordides et surtout pour ses deux acteurs principaux, Peter Falk et John Cassavetes, pour leur affrontement dans un film qui n’est pas mis en scène par ce dernier. Car des affrontements, il y en a dans le film de May (l’ex-partenaire et compagne de Mike Nichols, le réalisateur du Lauréat), et même des frottements entre les deux acteurs principaux. Cassavetes et Falk jouent dans le film le rôle de deux petits mafieux de Philadelphie qui se connaissent depuis l’enfance. L’un, Nicky (John C) a réussi, l’autre, Mikey (Peter F), est considéré comme un cave (trop lent), même s’il semble marié et heureux. Mais Nicky est dans la merde : il a tenté de rouler un parrain, un de ses complices a déjà été abattu. Il se planque dans un hôtel pourrave, victime d’une grosse crise de paranoïa, l’estomac troué par la trouille. Il fait appel à l’aide de Mikey, qui débarque en pleine nuit avec des médocs, puis qui manque de démonter la tête d’un serveur de bar qui met un peu trop de temps à lui filer du lait pour le bide de son copain Nicky. Mikey ferait tout pour Nicky, se dit-on, voilà un vrai pote, on dirait la phrase de Clemenceau que Delon cite tout le temps : “Un ami, c’est quelqu’un à qui on téléphone en pleine nuit en lui disant qu’on a tué quelqu’un et qui vous répond : “Où est le cadavre ?” Voilà ce qu’on se dit de Mikey. Mais bon, en vrai, ce n’est tout à fait cela, on va bientôt le découvrir. Le sens de l’honneur va être réduit à néant en quelques plans. Mais, une fois de plus, peu importe, là n’est pas l’essentiel. Le vrai truc, c’est le jeu des deux acteurs. On se trouve au sommet de ce que l’Actors Studio a pu apporter au cinéma indépendant des années 70 : une fièvre, une intensité, une tension dans le jeu, tout dans les regards et les sourires, une violence dont on sent qu’elle peut exploser à n’importe quel moment, sans crier gare. Peter Falk tourne ce film alors que la gloire est en train de lui tomber dessus, grâce à Columbo bien sûr. Dans le rôle de Mikey, ce minable qui se rend compte qu’il est encore plus malheureux qu’il ne le croit, il est déchirant. Enfin, on remarque chez l’acteur Cassavetes quelque chose d’aussi bouleversant que malaisant : des regards fous qui expriment une vraie joie – ou un véritable désespoir – à faire oublier par l’abjection, la veulerie, la vulgarité, sa belle gueule d’acteur hollywoodien.
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