On parle beaucoup de cinéma expérimental, on n’en voit pas forcément des masses. Voilà l’occasion de se rattraper. Le Suisse Nicolas Humbert et l’Allemand Werner Penzel mettent en effet le paquet : images en noir et blanc gros grain, pas de lien narratif entre les scènes, quelques bribes de dialogue à peine audibles… Autant être […]
On parle beaucoup de cinéma expérimental, on n’en voit pas forcément des masses. Voilà l’occasion de se rattraper. Le Suisse Nicolas Humbert et l’Allemand Werner Penzel mettent en effet le paquet : images en noir et blanc gros grain, pas de lien narratif entre les scènes, quelques bribes de dialogue à peine audibles… Autant être prévenu. Pendant plus de deux ans, ils ont voyagé avec les artistes du Cirque O en France et avec les nomades touaregs à travers les régions montagneuses du sud du Sahara. Les démonstrations d’habileté des uns alternent avec les gestes rituels des autres. A la construction d’une tente dans le désert répond l’installation du chapiteau sur une place. Il y a un aspect documentaire dans cette entreprise que les auteurs qualifient de « cinépoème ». Ainsi la naissance d’un bébé dromadaire, filmée en temps réel, sous l’implacable soleil de midi. Mais pour sauver le petit animal fragile, il faut le forcer à marcher, le forcer à se mettre en route. Du coup, la scène s’inscrit dans le projet d’un film qui pourrait aussi s’appeler Sur la route. Le leitmotiv des auteurs est précisément « Tant que nous sommes en route, nous sommes en vie ». Tout au long du film, on retrouve ce glissement du documentaire brut à un cinéma plus poétique. Lorsque deux Touaregs soufflent sur des braises, la prise de son exagère le bruit des grésillements, les contrastes renforcent l’impression que ces deux visages trouent la nuit, la musique avant-gardiste de l’Anglais Fred Frith (filmée dans Step across the border, premier film d’Humbert et Penzel) scande avec intensité leur apparition… Plus loin, le partage de la nourriture dans un même bol, d’abord symbole de la vie en communauté, deviendra symbole de vie tout court.
On ne niera pas la sensation d’ennui que procure parfois le film, mais après tout elle fait partie du voyage sur la route, il arrive que l’on s’ennuie, et cela ne gâche pas pour autant le plaisir de voyager. Dans l’invitation faite au spectateur à « vivre l’instant », dans la volonté obstinée de lui faire partager « le milieu de l’instant », Penzel et Humbert n’ont pas peur de le malmener quelque peu. Ceux qui tripent new-age vivront une aventure formidable, les autres glaneront çà et là quelques instants magiques.
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