Un an après s’être croisés sur le tournage du Saint-Amour de Delépine et Kervern, l’écrivain et l’acteur se retrouvent à Bruxelles pour parler cinéma. Mais aussi vélo, hôtels Citadines et Charles Baudelaire.
Michel Houellebecq – Dans le cadre de ce numéro dont je suis rédacteur en chef, j’avais envie que le sujet cinéma soit une discussion avec toi.
Benoît Poelvoorde – Quelle drôle d’idée ! Certes, je travaille dedans, mais je n’ai vraiment pas une grande passion pour le cinéma.
Michel Houellebecq – Regardes-tu beaucoup de films ?
Benoît Poelvoorde – Non, pas trop. Je suis assez paresseux, tu sais. Ma plus grande distraction, c’est lire. Je regarde aussi pas mal de séries. D’ailleurs, en roulant pour te rejoindre, j’ai eu un flash. Je me suis dit : “Qu’est-ce que ça donnerait si Mad Men avait été écrit par Houellebecq ?” Ton œuvre parle de la même chose : l’extension du capitalisme dans la sphère privée, la vie de bureau… J’adorerais voir un Mad Men français écrit par toi.
Michel Houellebecq – Pourquoi dis-tu que tu es paresseux ?
Benoît Poelvoorde – J’adore ne rien foutre. Je n’ai aucune ambition.
Michel Houellebecq – Tu as fait des études ?
Benoît Poelvoorde – Oui, des études de fainéant : quatre ans dans une école de dessin.
Michel Houellebecq – En effet. Pourquoi es-tu devenu acteur ?
Benoît Poelvoorde – J’avais un copain dans mon école de dessin qui a fait ensuite une école de cinéma. On écrivait des scénarios ensemble. Pour son école, il devait réaliser des exercices de direction d’acteurs. Il trouvait plus simple de les faire avec moi. Puis on a fait des courts métrages. Et de fil en aiguille, j’ai joué dans C’est arrivé près de chez vous.
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Ça s’est fait un peu par hasard, sans que je n’ai jamais eu à connaître de vaches maigres. Et puis, avec le succès des Randonneurs, ma carrière a vraiment démarré. C’est à ce moment que j’ai entendu parler de toi pour la première fois parce que Philippe Harel avait déjà en projet de tourner une adaptation d’Extension du domaine de la lutte. Il m’a offert ce roman que je ne connaissais pas, et Rester vivant.
Michel Houellebecq – Avec Philippe Harel, as-tu réussi facilement à faire du vélo ? Moi, j’ai eu beaucoup de mal pour Near Death Experience, le film de Delépine et Kervern.
Benoît Poelvoorde – Ah mais je t’ai vu ! Je te trouve bien plus crédible que moi !
Michel Houellebecq – Oui, parce que j’ai de grosses cuisses. Mais c’est mon souffle qui ne va pas. Tu penses que je devrais persévérer comme acteur ?
Benoît Poelvoorde – Dans le film des garçons (Saint-Amour de Benoît Delépine et Gustave Kervern – ndlr), tu avais été envisagé pour le rôle du chauffeur de taxi. Mais ils ont pensé finalement que c’était une meilleure idée d’ajouter une troisième génération, avec Vincent Lacoste. Et puis ça aurait été dur physiquement pour toi.
Michel Houellebecq – En fait, c’est moi qui ai refusé le rôle, puis ils m’ont proposé de jouer le propriétaire de la chambre d’hôtes, et là j’ai accepté avec enthousiasme. Je crois que je suis un acteur limité.
Benoît Poelvoorde – Il faut dire que tu es tellement connu. Ce serait grossier de dire que tu es déjà un personnage, mais c’est pas faux. Cela dit, j’aime beaucoup te voir au cinéma. J’aime aussi ce que tu as fait dans la musique avec Jean-Louis Aubert. Avec Burgalat, c’était rigolo aussi. Il te prête ses musiciens, les AS Dragon, et tu as l’air de t’amuser comme un petit garçon qui braille avec son groupe.
Michel Houellebecq – Moi, je pensais que le disque aurait été mieux avec un vrai chanteur. C’est dommage, parce que je considère les textes de ce disque comme une des meilleures choses que j’ai écrites. Mais Burgalat voulait que ce soit moi.
Il a un rapport bizarre avec les chanteurs, j’ai l’impression que de temps en temps il ne les aime pas. Moi je les aime bien, et je trouve que ces textes auraient été mieux interprétés par quelqu’un d’autre. Parlons plutôt de toi. As-tu lu Plateforme ?
Benoît Poelvoorde – Ben oui, j’ai lu tous tes romans.
Michel Houellebecq – Tu te verrais jouer le rôle ?
Benoît Poelvoorde – Oui, sans problème.
Michel Houellebecq – Moi aussi. Je te verrais bien dans ce personnage.
Benoît Poelvoorde – Toi, tu as réalisé l’adaptation de La Possibilité d’une île. C’est le livre de toi que je préfère, avec Rester vivant. Benoît Magimel est époustouflant dans le film. J’aurais pas forcément pensé à lui en lisant le roman. C’est une vraie idée. Il apporte un truc un peu ambivalent, presque féminin par moment. J’aime beaucoup cet acteur. Il a quelque chose de vraiment mystérieux.
Michel Houellebecq – Le journal Playboy m’avait proposé de faire une série de portraits photo de jeunes femmes auxquelles j’attribuerais des personnages féminins de mes romans. J’ai eu beaucoup de mal à trouver Valérie, l’héroïne de Plateforme. Quand on écrit un roman, il y a les personnages qu’on visualise très bien et ceux qu’on ne visualise pas. Michel de Plateforme, j’ai pas de problème à l’imaginer comme toi. En plus, je te vois très bien travailler comme fonctionnaire dans la culture.
Benoît Poelvoorde – C’est parce que je t’ai dit que j’étais paresseux. (rires) Tu sais, à mes débuts, mon entourage me disait avant une interview : “Essaie de dire des trucs intéressants.” Maintenant, on me dit plutôt : “Essaie de ne pas dire de grosses conneries.”
Michel Houellebecq – Tu as déjà dit de grosses conneries ?
Benoît Poelvoorde – Oh oui ! Mais heureusement, on met ça sur le compte de l’alcool et ça en atténue la portée. Toi, ça doit être pareil parce que t’as quand même toujours un peu l’air dans les nuages.
Michel Houellebecq – Oui, mais moi, on ne me pardonne rien.
Benoît Poelvoorde – Moi, non seulement on se dit que je suis bourré mais en plus on pense que j’ai pris de la coke. Parce que j’ai un gros nez et que je renifle tout le temps. Parfois, je dis des conneries non pas parce que je suis bourré ou défoncé mais simplement parce que je suis un plaisantin. Je n’aimerais pas comme toi avoir la responsabilité d’une grande intelligence.
Michel Houellebecq – Moi non plus. Est-ce que tu pourrais jouer un personnage totalement introverti ?
Benoît Poelvoorde – Ça n’existe pas. Je ne crois pas à ça. Personne n’est totalement introverti dans la vie. C’est la convention d’un certain cinéma pour donner de la profondeur. Je l’ai déjà fait, d’ailleurs. C’est le fameux syndrome Coluche dans Tchao Pantin. Tu demandes à un comique de ne plus rien faire et tout à coup le silence du mec bruyant avant devient sublime. Je trouve ça facile. Benoît Jacquot pour 3 cœurs me demandait un peu ça. Je me promène dans la rue, les mains dans les poches, je regarde au loin l’air pensif… Bon, un acteur comme Magimel, encore, il rend ça un peu intense. Ou alors Alain Delon. Quand il faisait dans l’introspection, le silence, il était sublime. Et puis quand il a ouvert sa gueule, il nous a tous emmerdés. (rires)
Michel Houellebecq – Bien… On progresse peu à peu…
Benoît Poelvoorde – Allez ! Pose-moi des questions, merde ! J’ai pas fait tout ce chemin pour rien !
Michel Houellebecq – T’habites où ?
Benoît Poelvoorde – A Lustin. C’est à deux heures de route de Bruxelles. Faut traverser des bois…
Michel Houellebecq – Et tu roules en Porsche alors ?
Benoît Poelvoorde – Oui, j’en ai deux.
Michel Houellebecq – Pourquoi ?
Benoît Poelvoorde – Si je pouvais en avoir trois, j’en aurais trois. Et dix, j’en aurais dix ! Jusqu’à ce qu’il ne reste plus d’argent, plus rien. J’adore les voitures. T’as pas de voiture ?
Michel Houellebecq – Si, mais une toute petite. Sans intérêt.
Benoît Poelvoorde – Faut dire qu’à Paris, ça sert à rien, une voiture. Encore que moi, si je vivais à Paris, je serais assez con pour en avoir une.
Michel Houellebecq – Qu’est-ce qui se passe en toi quand la caméra tourne ?
Benoît Poelvoorde – C’est le seul moment où je sais pourquoi je fais du cinéma. Où je vibre un peu. Mais c’est très court. Avant et après, on se fait chier. Mais mortellement ! La solution, pour garder cette intensité, c’est de jouer aussi dans sa vie.
Du coup, je suis tout le temps un acteur. Un acteur qui donne le change pour ne pas montrer qu’au fond il s’emmerde. Il n’y a que mon fauteuil et mon chien qui savent vraiment qui je suis. Le pire, c’est quand je dois faire de la promo. J’essaie d’en faire de moins en moins, d’ailleurs. Mais je n’ai pas le choix. Etre acteur, ça veut dire être médiatique. Mais toi, en revanche, ça me trouble. Tu pourrais ne jamais aller sur un plateau télé mais tu as choisi d’être médiatique. Pourquoi ?
Michel Houellebecq – Je n’y suis pas si souvent que ça, quand même. Si je suis allé dans l’émission de Ruquier, par exemple, c’est parce que j’aime bien Yann Moix et que ça lui faisait plaisir que je vienne, c’était sa première émission. Aller au Grand Journal m’amuse, c’est vrai. J’aime bien être invité dans un JT. Il y a une tension particulière. Ça fait un peu peur. On a l’impression d’être dans un lieu sacré. Ou dans l’œil du cyclone. On a l’impression d’un très grand calme au cœur d’une tempête.
Les Inrocks – Vous aviez vu C’est arrivé près de chez vous à sa sortie, Michel ?
Michel Houellebecq – Oui, ça m’avait vaguement dégoûté.
Benoît Poelvoorde – Ah bon ?! Mais dis-moi pourquoi !
Michel Houellebecq – La scène de viol m’avait vraiment dégoûté. J’aimais bien Benoît dedans, mais le film me semblait empreint d’une vraie méchanceté, un peu immoral.
Benoît Poelvoorde – Immoral ? Je peux comprendre, remarque… Moi, ce que je n’aime pas dans C’est arrivé près de chez vous, c’est que le film ne nous a pas porté chance. On peut croire l’inverse, penser qu’à 53 ans, je suis encore acteur et que rien ne serait arrivé sans ce film. Mais beaucoup de gens sont morts depuis. Rémy (Belvaux, le coréalisateur – ndlr) s’est suicidé. Y a des films qui ne portent pas chance, qui fabriquent des destins funestes. A l’époque, on ne savait pas que ce qu’on faisait allait être autant vu, on s’amusait à parodier certains codes de Strip-Tease, quand les gens font semblant de ne pas savoir qu’on les filme…
Michel Houellebecq – Strip-Tease, c’est une émission qui a été très importante en Belgique ?
Benoît Poelvoorde – Strip-Tease ? Mais c’est une religion, en Belgique. Il y a une grande école documentaire belge. Et Strip-Tease a imposé un format de reportages fondés sur l’immersion, où les mecs restent quinze jours avec les gens qu’ils filment jusqu’à ce qu’ils oublient la caméra. Après, il y a eu un glissement, une façon de regarder les gens comme des phénomènes de foire. C’est de cette dérive qu’on se moquait dans C’est arrivé près de chez vous.
Les Inrocks – Vous avez en commun d’aimer beaucoup Louis de Funès…
Michel Houellebecq – Il a vraiment inventé quelque chose, une forme de burlesque sonore. Ce ne sont pas seulement ses gestes, ses déplacements qui sont drôles, mais sa déglutition, ses petits cris, tous les sons qu’il émet en ronronnant ou en tordant sa bouche. Ce n’est plus du langage articulé, c’est une autre forme, qu’il a inventée. Il part d’un dialogue normal et il le transforme en langage particulier, animal, formé d’onomatopées, de crissements, de gargouillis. Et c’est irrésistible. Il y a de grands burlesques visuels. Mais lui est un grand burlesque sonore aussi, et ça reste le seul.
Benoît Poelvoorde – Ce que j’aime chez lui, c’est que s’il doit bouger un gigantesque tronc d’arbre qui l’empêche de passer, avant de le déplacer, il va d’abord donner un coup de pied dedans. Même si ça ne sert à rien et que ça ne fait mal qu’à lui, c’est plus fort que lui.
Michel Houellebecq – Dans l’énervement pur, je trouve que tu fais aussi bien que lui.
Benoît Poelvoorde – Merci, ça me fait très plaisir. Pour Les Randonneurs, Philippe Harel m’avait dit qu’il m’avait choisi parce que je deviens tout rouge quand je m’énerve. Et c’est vrai ! Là, dans Ils sont partout d’Yvan Attal, je joue encore le rôle d’un facho. Pourquoi on pense toujours à moi pour les rôles un peu nazis ? Je me dis que c’est parce que j’ai une gueule banale, que je peux incarner la banalité du mal, du coup. Mais peut-être que c’est une question de couleur. Je prends de la couleur quand je m’emporte.
Les Inrocks – Michel, vous ne vous emportez pas souvent, non ?
Michel Houellebecq – C’est pathétique quand je m’emporte. Ça n’arrive presque jamais d’ailleurs.
Benoît Poelvoorde – Parce que tu trouves que rien ne mérite la colère ou parce que tu ne peux pas l’exprimer ?
Michel Houellebecq – Je ne peux pas. Je n’en ai pas l’aptitude.
Benoît Poelvoorde – C’est une chance que j’ai. Je peux gueuler comme un porc.
Michel Houellebecq – C’est vrai qu’avec Depardieu, vous faisiez beaucoup de bruit.
Benoît Poelvoorde – Je sais que tu penses ça. Les garçons m’ont dit que tu leur avais laissé un mot : “Je vous plains.” (rires) Mais c’est comme ça qu’on maintenait l’équipe en vie, tu sais. Il y a toujours un moment dans un tournage où la fatigue l’emporte sur les convictions artistiques. Il faut des gens comme Gérard ou moi pour faire du bruit et tenir les gens en éveil. Moi, si on me demandait ce que je veux faire plus tard, je dirais “gourou”. C’est un sujet que Michel a abordé dans ses romans et ça me passionne.
Michel Houellebecq – Je suis désolé de te le dire mais ça ne me paraît pas évident que tu puisses l’être. Car tu n’es pas quelqu’un qui calme les gens. Pour être un bon gourou, il faut être capable de persuader les gens qu’en dépit des apparences tout va bien se passer. C’est le serpent Kaa : “Aie confiance.”
Benoît Poelvoorde – Tu as sûrement raison !
Michel Houellebecq – J’ai vu un film que j’ai bien aimé et dans lequel tu joues, Le Tout Nouveau Testament. C’est, entre autres choses, un extraordinaire show des meilleurs acteurs belges. Il ne manque que Bouli Lanners. Il y a Serge Larivière, François Damiens, Yolande Moreau… Je me demande pourquoi les acteurs belges sont si bons.
Benoît Poelvoorde – Je ne sais pas… On a confiance.
Michel Houellebecq – Vous êtes comme les Américains, en fait. Je me souviens qu’une fois une Belge m’a montré ses seins refaits en me disant : “C’est du beau travail, non ?” Elle a fait ça avec une absence totale de ce filtre qu’ont les Français, aucune inhibition.
Benoît Poelvoorde – Tu sais, la Belgique est un petit point à côté du roi. La France, vous avez un long manteau d’hermine. Nous, on est un paillasson. On sent le savon noir et la patate. C’est pas la même chose d’être belge en Belgique et d’être belge dans le regard d’un Français. Et comme la communication est permanente, ce qui définit la Belgique, c’est le regard des Français. Je connais des acteurs belges qui prennent le Thalys chaque semaine pour aller passer un casting à Paris. Parce que chez nous, il y a une industrie très faible. Et là, généralement, un directeur de casting leur dit : “Ah mais vous avez un accent ! Vous savez jouer sans ?” Et après tu retournes dans ce train, tout seul, et c’est dur. Le Thalys, c’est souvent le train de l’humiliation.
Michel Houellebecq – Il y a chez les acteurs belges une absence de gêne proche des acteurs américains. Alors que le Français est un type qui a une peur terrible du ridicule.
Benoît Poelvoorde – Faut faire attention à ne pas tomber dans les clichés…
Michel Houellebecq – J’ai toujours pensé que quand un cliché était vrai, il fallait le signaler comme vrai. La peur du ridicule des Français est restée quelque chose de très violent.
Benoît Poelvoorde – Dans l’histoire de la Belgique, même dans ses moments les plus tragiques, il y a toujours un moment où on pourrait ne pas y croire. Parce que ça devient un peu drôle. Par exemple, je me souviens d’un fait divers terrible dont les responsables s’appelaient le gendarme Marchandise, le colonel Camion… A chaque article qui décrivait les fouilles menées par le gendarme Marchandise, tout le tragique de l’histoire était désamorcé. Comme si les dieux s’acharnaient à se moquer de nous, à nous rendre grotesques. Comme s’ils nous disaient “Même votre peine sera tournée en ridicule”.
Les Inrocks – Au moment des attentats, le ministre de l’Intérieur s’appelait d’ailleurs Jan Jambon.
Benoît Poelvoorde – Exactement ! Le mec s’appelle Jan Jambon et il dit des trucs comme “Je vais débarrasser la Belgique de tous les Arabes, je vais nettoyer Molenbeek.” Ben non, mec, tu t’appelles Jambon.
Michel Houellebecq – C’est assez émouvant cette idée des dieux qui décident que même votre chagrin sera ridicule…
Benoît Poelvoorde – Mais la Belgique, c’est émouvant. C’est un pays où il n’y a pas d’heures. La lumière est toujours la même. Non mais regarde ce ciel dehors ! C’est un ciel qui n’a pas d’heures : tu peux pas dire s’il est six heures du matin, midi ou six heures du soir. Ça fait plusieurs heures qu’on est ensemble et la lumière n’a pas bougé. Toujours le même gris. (rires)
Michel Houellebecq – Tu sais, j’ai passé plusieurs mois en Belgique pour la postproduction de La Possibilité d’une île. Je logeais dans un Citadines et…
Benoît Poelvoorde – (attendri) Oh, mon Michel ! Il n’y a que toi pour dire aussi joliment : “Je logeais dans un Citadines…” On est direct dans un Houellebecq ! (rires)
Michel Houellebecq – Oui, un Citadines belge, situé à cinq cents mètres du célèbre Molenbeek…
Benoît Poelvoorde – Putain, mais dans quel Citadines il t’a mis ?! Il est sympa ton producteur. Déjà un Citadines, bon… Mais à Molenbeek ?!
Michel Houellebecq – Je me souviens d’avoir perçu des ondes bizarres. On sentait qu’il se passait un truc à Molenbeek. Je suis resté quatre mois, ou six mois, je ne sais plus. En tout cas, ça m’a paru extrêmement long !
Benoît Poelvoorde – Ha, ha, ha ! T’as lu Pauvre Belgique de Baudelaire ? Il est obligé de rester en Belgique parce qu’il n’a pas d’argent.
Michel Houellebecq – Baudelaire est mon dieu. Mais, quand même, là, je le trouve vaiment méchant.
Benoît Poelvoorde – Oui, il est très méchant à notre égard. Mais il est venu faire des conférences en Belgique et il y avait trois pékins. C’était Baudelaire, tout de même !
Michel Houellebecq – Tu sais, il était assez peu apprécié de son vivant.
Benoît Poelvoorde – Léon Bloy l’a défendu, quand même.
Michel Houellebecq – Mais bien après sa mort. Alors qu’il n’avait plus besoin d’être défendu. Tout le monde l’aimait déjà.
Benoît Poelvoorde – C’est allé aussi vite ?
Michel Houellebecq – Quand il meurt en 1867, il est très peu lu. Mais ensuite ça va très vite. Il y a d’abord eu Verlaine, puis Mallarmé dont on voit bien qu’il a lu entièrement Baudelaire…
Benoît Poelvoorde – Qui pourrait jouer Baudelaire dans un biopic ?
Les Inrocks – Charles Berling ?
Benoît Poelvoorde – Jean-François Balmer ? Il serait parfait, non ?
Michel Houellebecq – Puisque tu me provoques, je dirais que je serais assez fâché si on ne me proposait pas le rôle.
Benoît Poelvoorde – Oh… Mais oui ! Je rêverais de voir ce film !
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