Diffusée ce vendredi sur Canal+, la 49e cérémonie des César est attendue au tournant. Alors que le cinéma français vit des mois majeurs, entre le succès international d’“Anatomie d’une chute” et les révélations de Judith Godrèche, quels enjeux pour cette soirée ?
Dans deux jours, l’Académie des César va tenir sa 49e cérémonie, et c’est peu dire que les enjeux en sont particulièrement forts. Depuis six mois, les accusations de harcèlement sexuel, de viols et/ou de violence à l’encontre de figures majeures du cinéma français (Gérard Depardieu, Benoît Jacquot, Philippe Garrel, Jacques Doillon, Alain Corneau…) et les prises de parole puissantes d’actrices incriminant à la fois des personnes précises et un système dans son ensemble ont placé le cinéma au centre du débat public. Il est donc du devoir de la cérémonie d’envoyer le signe fort d’une prise de conscience et d’une réaction. Quelle place a la parole des actrices et de tous·tes celles et ceux qui ont été victimes d’abus dans l’industrie du cinéma ? C’est l’enjeu central de cette prochaine cérémonie, où il paraît aller de soi que, d’une façon ou d’une autre, devront résonner les mots de Judith Godrèche, Judith Chemla, Laurence Cordier…
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L’année de Justine Triet ?
La soirée devra être aussi l’occasion de substituer une image de la profession à une autre. À savoir imposer une image d’unité dans la remise en cause des systèmes de domination et d’abus et reléguer à un moment révolu de son histoire la crise profonde mise à nu par la cérémonie de février 2020, qui sacrait pour la cinquième fois Roman Polanski en meilleur réalisateur devant un parterre clivé entre applaudissements et révolte. L’Académie a d’ailleurs accompli un important mouvement de réforme depuis (modification des statuts, refonte de la gouvernance, élargissement des votant·es dans le sens de la parité).
En comparaison, les résultats des votes concernant l’attribution des prix paraissent un enjeu très relatif. D’abord, parce que la compétition est dominée par deux films archi-nommés, aimés de la plupart des votant·es, et dont la réussite a été entérinée par un plébiscite public. Si Anatomie d’une chute est évidemment favori, Le Règne animal a aussi ses chances dans pas mal de catégories. On voit mal, en tout cas, comment le César de la meilleure réalisation pourrait échapper à Justine Triet. À la fois parce qu’Anatomie d’une chute est probablement le geste de mise en scène le plus concerté et le plus maîtrisé de l’année, mais aussi parce que ce César n’a été attribué qu’une seule fois à une réalisatrice (Tonie Marshall en 2000) et que l’année dernière encore, aucune cinéaste n’était nommée dans cette catégorie (alors que concourait par exemple le remarquablement mis en scène Saint Omer d’Alice Diop). On ne voit pas de meilleure configuration pour casser cette choquante exception et marquer entre autres signes l’inauguration d’une nouvelle ère.
Édito initialement paru dans la newsletter Cinéma du 21 février. Pour vous abonner gratuitement aux newsletters des Inrocks, c’est ici !
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