Truculent, féroce, émouvant : un hit inusable de la comédie italienne seventies.
Le film de mecs à l’européenne est un genre un peu louche, qui frise souvent l’anarque. Leurs auteurs ont toujours tendance à idéaliser l’amitié masculine (la solidarité nickel des beaufs crânes de Marc Esposito face à l’éternelle hystérie féminine) ou à en rajouter dans le salace (l’étalage complaisant des exploits adultérins de ces messieurs dans les films d’Yvan Attal ou de Guillaume Canet).
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En France, c’est Yves Robert qui a le mieux incarné ce type de films de potes, des Copains (d’après Jules Romains) au diptyque Un éléphant ça trompe énormément/ Nous irons tous au paradis. Les années 70 verront aussi éclore les films de bandes de Claude Sautet (Vincent, François, Paul et les autres) ou des Bronzés.
Mais ce cinéma-là a été inspiré par une tradition italienne, qui remonte aux années 50 : Le Pigeon ou Les Camarades de Mario Monicelli, Les Vitelloni de Fellini, etc.
Dans les années 70, l’amertume et les désillusions des déçus de la gauche postfasciste donneront Nous nous sommes tant aimés ou La Terrasse d’Ettore Scola. Et puis il y a Mes chers amis, en 1975, qui va cartonner au box-office transalpin, remporter un beau succès en France, et connaître plusieurs suites.
Pas aussi politico-métaphysique qu’un autre grand film de potes, le chef-d’œuvre de Marco Ferreri, La Grande Bouffe, Mes chers amis est un film typique de la comédie à l’italienne, entre rire gras et critique sociale, sans crainte jamais de déroger, de mettre les pieds dans le plat ou de se faire mal voir. Son scénario avait été écrit par et pour le cinéaste Pietro Germi, qui, mourant, le confia à son ami Monicelli (qui s’est défenestré il y a un an, à 95 ans).
Mes chers amis, ce sont quatre quadragénaires ratés, petits ou moyens bourgeois, qui se retrouvent pour faire n’importe quoi, spécialement des canulars, des farces de potaches inénarrables et souvent régressives (donner des baffes aux voyageurs qui se tiennent aux fenêtres d’un train en partance, déféquer dans un pot à la place d’un bébé pour affoler ses parents, etc.). Vulgaires, obsédés, misogynes, mauvais parents et maris, ils ne sont guère sympathiques, et c’est ce qui fait la force de ce film qui ne cherche pas à plaire à tout prix. Des gamins désespérés qui rient en attendant la mort.
L’idée géniale de Monicelli, c’est de tourner cette histoire de farceurs impossibles dans le brouillard de la Florence hivernale, si triste et froide. Les acteurs en font des tonnes, mais on rit.
Jusqu’à la chute finale, totalement inattendue et bouleversante, où la mauvaise farce et la macabre vérité ne peuvent plus être distinguées. C’est la comédie italienne comme on l’aime : d’apparence modeste, un peu didactico-lourdingue parfois, mais d’une méchanceté et d’une acuité redoutables.
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