Une relecture magique du mythe de Médée, interprétée par une Maria Callas impressionnante d’humanité.Réalisé avant sa “Trilogie de la vie” (Le Décaméron, Les Contes de Canterbury, Les Mille et Une Nuits), adaptations littéraires qui engageaient un dialogue optimiste et trivial avec le public populaire, Médée clôt un cycle de films explorant les origines du mythe […]
Une relecture magique du mythe de Médée, interprétée par une Maria Callas impressionnante d’humanité.
Réalisé avant sa « Trilogie de la vie » (Le Décaméron, Les Contes de Canterbury, Les Mille et Une Nuits), adaptations littéraires qui engageaient un dialogue optimiste et trivial avec le public populaire, Médée clôt un cycle de films explorant les origines du mythe et du sacré, qui fascinaient Pasolini. Le cinéaste présentait lui-même son film comme « l’exténuation du thème religieux », qui lui permit ensuite de s’adonner aux plaisirs de la trivialité et de l’érotisme, prélude au plongeon dans l’abyme de Salò ou les 120 journées de Sodome.
Le film de Pasolini respecte le récit de la légende de Médée, d’après la tragédie d’Euripide. Jason, à la recherche de la Toison d’or, rencontre Médée sur l’île de Colchide. Ils s’exilent à Corinthe, où règne Créon. Quelques années plus tard, Jason trompe Médée avec la fille du roi Créon, Glauce. Pour se venger, Médée provoque par magie la mort de sa rivale, puis s’immole avec ses deux enfants sous les yeux de Jason impuissant.
Dans Médée, Pasolini transforme Laurent Terzieff en inoubliable Centaure et offre à Maria Callas son unique rôle au cinéma. La cantatrice, depuis longtemps courtisée par les producteurs et les cinéastes, avait décliné toutes les propositions, dont de nombreux projets d’opéras filmés, avant de s’intéresser à un Macbeth réalisé par Antonioni ou Bolognini qui ne se fera jamais.
Devant la caméra de Pasolini, Callas se révèle une grande tragédienne, par la seule force de son visage et de son regard, presque sans le recours des mots. Elle parvient à démythifier le personnage de Médée en lui apportant davantage d’humanité, jusque dans une paradoxale douceur, en opposition tacite avec la vision plus intellectuelle de Pasolini.
Comme pour œdipe-Roi et l’épisode du désert de Porcherie, Pasolini relit dans Médée le mythe, en le plongeant dans un passé anhistorique et barbare qu’il fait crouler sous les somptueux ornements folkloriques, musicaux et vestimentaires des civilisations anciennes d’Afrique et d’Orient. Pasolini invente un cinéma de poésie qui fuit la médiocrité prosaïque de l’Italie moderne et de la société matérialiste.
C’est un cinéma à la fois magique et dialectique du retour aux sources de l’art, du mythe, de l’homme, des racines culturelles et intimes. Grâce à un détour par le tiers-monde, Pasolini s’approprie la tragédie de Médée, comme précédemment l’histoire d’œdipe ou la vie du Christ, pour évoquer son rapport à sa mère, au peuple ou au sacré. Moins célébré que L’Evangile selon saint Matthieu, moins provocateur que Théorème ou Porcherie, Médée a été rarement vu depuis sa sortie en 1971. Cette nouvelle sortie permettra de redécouvrir une œuvre d’une grande beauté et l’interprétation géniale de Maria Callas, qui, malgré sa légende personnelle, parvient à s’intégrer dans l’univers et le cinéma de Pier Paolo Pasolini.
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