Reprise, en version restaurée, du deuxième long de Carax. Un film noir enluminé au romantisme exalté.
Découvrir ou redécouvrir Mauvais sang, trente ans après sa sortie au cinéma, c’est déterrer l’exacte photographie, non pas d’une époque (on est en 1986), mais du rêve d’un enfant qui avait alors 25 ans. C’est là tout ce qui fait du film de Carax un film générationnel unique en son genre : vous n’y apprendrez rien du Paris des années 1980, ni de la façon dont on s’exprimait, ni des mœurs d’une génération.
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De fait, tout élément est passé au tamis d’une cinéphilie rêveuse qui digère tout ce qu’elle a aimé pour créer sa propre écriture cinématographique et emboîte les genres et les références pour accoucher d’un drame en chambre lové dans un thriller de science-fiction. Et il fallait autant de dévotion cinéphilique pour qu’aucune goutte de réalisme ne salisse le moindre plan.
Dans Mauvais sang, le cadre s’éprouve comme un refuge qui exclut, refuse, voire maudit, tout ce qui ne s’y trouve pas. Toute l’impureté, le rebut de tout ce qui ne serait pas le rêve, de tout ce qui ne recèlerait pas une forme d’intensité est repoussé à l’extérieur. Drôle de film générationnel, qui au lieu de capturer l’époque, s’en protège, construit un refuge où les hommes et les femmes se susurreraient des promesses d’amour et où dehors brillerait une nuit éternelle de salle obscure. La beauté de Mauvais sang tient à ce qu’il s’apparente à un acte de foi : croire que le cinéma français n’a pas besoin de s’adosser à un quelconque réalisme. Et Carax de composer entièrement son film à partir d’une matière volatile, comme une succession de rêves qui s’appuient les uns sur les autres.
Ce film a une place particulière dans le cinéma français (au fond de la classe, collé au radiateur pourrait-on dire), car on ne sait jamais quoi penser des films qui se vivent comme des utopies. Le film inspire souvent cette formule : “J’ai adoré à l’époque mais j’ai peur de le revoir”. C’est une crainte qui s’adresse moins au film qu’à l’adolescent rêveur et impressionnable que l’on était et que l’on risque de recroiser.
Mauvais sang de Leos Carax (Fr. 1986, 1 h 56)
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