Des débuts fulgurants avec Coppola jusqu’à Mary à tout prix en passant par Gus Van Sant, les hauts et les bas de Matt Dillon, jeune premier devenu acteur complet.
Teint maquillé, coiffure impeccablement lustrée, barreau de chaise au bec, torse bombé et mécaniques roulées, juvénile et frimeur, sûr de son charme et de son statut de demi-star : Matt Dillon reçoit dans le salon monumental d’un palace parisien. Cordial mais pressé, l’acteur est en service commandé pour le Mary à tout prix des frères Farrelly, dans lequel il fait merveille en crapule compulsive, écornant avec bonheur son image de jeune premier ténébreux. « Quand j’ai découvert le scénario, ce projet me semblait très iconoclaste, et surtout très drôle. Et puis c’était une excellente histoire, bien structurée. Les personnages évoluent, changent même parfois radicalement, je ne savais pas où on m’embarquait. Mon personnage est un menteur pathologique : c’est intéressant pour un acteur de trouver un aspect humain dans un tel personnage, pour le jouer et le défendre. »
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Si Dillon est au diapason humoristique de Mary à tout prix, on avait surtout envie de rencontrer le néo-Jimmy Dean qui débutait avec Francis Coppola il y a quinze ans. « Notre génération le considérait comme un dieu vivant du cinéma. Quand j’ai été choisi pour Outsiders, ce fut un des plus grands moments de ma vie. Ensuite, Rusty James, film extraordinaire, c’était la cerise sur le gâteau. Coppola était très ouvert aux suggestions et au dialogue… C’était très instructif de le regarder travailler. Par exemple, il était le premier à utiliser les moniteurs vidéo sur un tournage. En plus, c’était un puits de science sur l’histoire du cinéma, il nous parlait sans cesse de ses films préférés. A son contact, ma culture cinématographique s’est nettement améliorée. »
Les deux films de Coppola jouaient avec les mythes teenage et les codes des films pour ados des années 50. Du coup, Matt Dillon s’est retrouvé enfermé dans l’image d’une idole à minettes, vite consommée, vite jetée. « J’ai toujours refusé ce statut. Je suis un acteur, et ça me foutait en rogne d’être réduit à un simple poster. J’étais assez désemparé parce que je ne savais pas trop comment réagir à ça. Mais pendant mon parcours irrégulier, je me suis toujours dit qu’il fallait apprendre la patience. Je refusais les projets délibérément commerciaux, je recherchais plutôt les films décalés… Et finalement, mon attitude a payé. En vieillissant, je me suis aperçu que, pour durer, il fallait alterner les petits films indés et les films plus populaires. Comme le dit Scorsese, « Il faut en faire un pour eux, puis un pour soi » (rires)… La séparation entre film d’auteur et film commercial me gêne. Dans les seventies, cette séparation n’existait pas, les gens allaient voir les bons films. Aujourd’hui, tout est affaire de marketing. Les gens vont voir le film le mieux « vendu », qu’il soit bon ou mauvais. »
Le croisement entre art et commerce, Dillon l’a peut-être retrouvé avec Gus Van Sant, le cinéaste qui a relancé sa carrière. « Quand j’ai décidé de faire Drugstore cowboy, on me disait
« Tu ne vas pas faire un film sur la drogue, les gens ne veulent pas payer pour voir ça ! » Drugstore cowboy n’était pas un film pro ou antidrogue, ce n’était pas un conte moral, c’était une histoire honnête. On me l’a fortement déconseillé, mais je l’ai fait et j’en suis fier. Avec Gus, j’ai fait aussi Prête à tout un rôle secondaire, un choix d’amitié, participer au projet d’un pote pour le plaisir. » Amitié peut-être, mais professionnalisme avant tout. Au coup de gong, Matt Dillon se lève, file vers un plateau télé, ne laissant derrière lui qu’une dernière volute de cigare. Une vedette américaine est passée.
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