Ce dernier volet de la série Cinéaste, de notre temps documente le travail d’un artiste sur le fil, imprégné et toujours créatif.
Dans l’une des séquences d’entretien, Mathieu Amalric, face caméra, ne sait trop quoi répondre quand l’intervieweur (en l’occurrence Quentin Mével, auteur d’ouvrages sur le cinéma et ici coréalisateur) établit des parallèles entre ses films – le spectacle et l’intime, le réel et la fiction qui se mangent l’un l’autre… Lui qui semble n’avoir jamais mis à jour une parenté entre Mange ta soupe, Tournée ou La Chambre bleue s’en trouve ravi, comme rassuré : “Je me disais tout le temps : ‘Comment ça se fait que je fasse des films aussi différents ? J’ai pas de personnalité, j’ai pas d’obsession…”
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Amalric au travail, en pleine recherche
Trop affairé·es à réécrire une ligne de scénario ou à modifier l’emplacement d’un cadre, les cinéastes seraient-il·elles ainsi privé·es d’une vision d’ensemble sur leur œuvre, incapable d’être leur propre spectateur·trice ? La question reste ouverte et n’appelle pas de réponse définitive mais disons qu’elle dit assez justement la beauté et la richesse de la série culte Cinéma, de notre temps (anciennement Cinéastes de notre temps), créée en 1964 par Janine Bazin et André S. Labarthe, disparu en 2018 et qui signe ici son dernier film.
Nous sommes en 2017, sur le tournage de Barbara, un biopic, qui n’en est pas vraiment un, sur la dame en noir, ici Jeanne Balibar. Sur le plateau, en coulisse, dans la salle de montage, à la cantine ou seul en entretien… Amalric est au travail, en pleine recherche (“Comment je peux faire ça ?”), éclaire, sans en avoir l’air, sa mise en scène – ce passage où il explique comment la durée d’une séquence permet de rompre avec le mimétisme et le goût de la performance propre au genre.
Au-delà du (double) portrait (car comme il le dit si bien, un film de Labarthe est toujours un film de Labarthe, quelle que soit la personne filmée) qui se dessine, c’est aussi une pensée critique qui infuse de toutes parts, celle qui, funambule, peut regarder de près celui qui travaille puis s’éloigner pour construire des ponts, inventer son propre film.
Mathieu Amalric, l’art et la matière d’André S. Labarthe et Quentin Mével. Sur le site de Médiapart
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