Une superbe geste lyrique où l’intrigue compte moins que l’intensité des éléments et la sourde violence des êtres.
Année faste pour Eric Vuillard, qui voit sortir son livre, La Tristesse de la terre, et son premier long métrage, Mateo Falcone. Pas de correspondances criantes entre les deux, hormis l’esprit du western. Adapté d’une nouvelle cruelle de Prosper Mérimée, Mateo Falcone est aussi mutique et abstrait que La Tristesse de la terre est détaillé et documenté (sur Buffalo Bill).
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Vuillard s’inscrit dans un courant archi-minoritaire du cinéma français, aux antipodes du couple infernal réalisme/théâtralité. On ne voit d’équivalent que le travail de Philippe Grandrieux, dont Vuillard avait justement scénarisé La Vie nouvelle (2002).
Le rapprochement entre ces cinéastes férus de nature et de sauvagerie n’est donc pas hasardeux. Mais Vuillard n’est pas un simple épigone. Il a son propre territoire. D’ailleurs, la notion de territoire au sens propre domine cette geste aussi violente qu’aérée, filmée essentiellement sur un causse envahi par les blés, autre personnage du film.
L’aspect historique est gommé au profit d’un simple canevas et d’une problématique morale (quasiment biblique) : au XIXe siècle, dans une campagne déserte et ventée, l’armée recherche un bandit fugitif… L’essentiel, ce sont les cavalcades, le sublime plan-séquence où une figure minuscule, car lointaine, traverse lentement un champ de blé ondoyant sous le vent.
Vuillard possède un sens inouï de l’espace, une conception cosmique du monde réel, qui submerge l’humanité, relativisant l’horreur finale de la fable. Un film moins destiné au spectateur féru de complexité dramatique
qu’à l’amateur d’expériences sensorielles. Violence et contemplation : quelle meilleure opposition ?
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