Meurtres de jeunes filles dans la bourgeoisie de Rio. Quand le nouveau cinéma brésilien, très en forme, réécrit les codes du giallo.
Bleu-blanc-rose. Et noir. Ce sont d’abord des couleurs, insistantes, qui frappent la rétine à la vision de Mate-me por favor, premier long métrage d’Anita Rocha da Silveira. Chaque plan y est composé, avec une rigueur, un sens du détail et une obsession colorimétrique qui n’ont rien de superflu : cette stylisation maniaque est celle dont on se pare adolescent pour offrir un semblant de sens à un monde transitoire, où l’innocence disparaît tandis que les certitudes de l’âge adulte sont encore dans les limbes.
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Dans leur bulle bleue, blanche et rose, donc, quelques teens brésiliens s’égaient avec indolence, essayant d’oublier que dans leur quartier pourtant aisé, entre un terrain vague et un de handball, un grand méchant loup rôde et dévore les jeunes filles – autrement dit que la nuit étend peu à peu son empire sur leurs vies ensoleillées.
Aussi fouillis que bien fourni
Sur ce canevas qu’on croirait usé par des décennies de slashers et de gialli, Anita Rocha da Silveira tisse une captivante déclinaison, et s’inscrit dans la continuité du très jeune cinéma brésilien : on pense aux Bruits de Recife de Kleber Mendoça Filho (2012) ou à la moins connue Joie de Felipe Bragança et Marina Meliande (2010), qui tous deux excellaient dans l’import-export de signes a priori américains (Carpenter d’un côté, le teen-movie et les superhéros de l’autre) au milieu d’un bazar très local.
Celui de Mate-me…, aussi fouillis que bien fourni, expose dans ses multiples travées la religion et la sexualité (amusantes scènes de prêche pop par une prêtresse ladygagaesque), la mutation des corps (Black Hole, la BD de Charles Burns est cité) concomitante à celle des paysages, le goût du sang et des selfies, et enfin le frisson et l’excitation qui sont les deux revers d’une même pièce.
Le film est ainsi à l’image de ses héroïnes : frontal, naïf, évanescent, sans peur et sans reproche. Et ce qu’il perd parfois en fluidité narrative, il le gagne au centuple en force expressive, laissant entrevoir un avenir radieux pour sa jeune réalisatrice.
Mate-me por favor d’Anita Rocha da Silveira (Bré., 2017, 1 h 44)
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