À l’occasion de la sortie mercredi prochain du quatrième volet de Toy Story, décryptage en 3 motifs d’une saga culte qui a su allier performances techniques inouïes, sous-textes politiques puissants et références littéraires inspirées.
Entre révolution technologique et art primitif
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Premier film totalement créé en images de synthèse 3D, Toy Story incarne au moment de sa sortie en 1995 une révolution qui, comme tout bouleversement, anime des sentiments contradictoires : OVNI venu de l’an 2000 nourrissant les plus grands fantasmes ou bien machine numérique inquiétante dont la chair fait de 1 et de 0, de gigabits et de programmes algorithmique ne laisserait aucune place à la production d’une émotion ? Face à ces interrogations, le premier né de Pixar sonne avant tout comme un manifeste du talent d’alchimiste du studio.
En donnant vie à de simples jouets, Pixar parvient à enfanter, à partir de la froideur plastique de l’objet, des êtres sensibles qui vont nous faire rêver, rire et même pleurer. Toy Story est ainsi la première pierre posée d’un art primitif et technologique unissant pureté des sentiments et sophistication technique. Cette rencontre est symbolisée merveilleusement à l’écran par l’amitié des deux protagonistes principales de la saga : le cow-boy Woody, figure old school et pionnière de la culture américaine, et Buzz, l’astronaute, héros du futur. Deux mythologies que tout oppose et qui n’avaient aucune raison de se rencontrer avant que la lampe Pixar s’illumine et décide de les jeter ensemble dans son chaudron fictionnel.
https://www.youtube.com/watch?v=KYz2wyBy3kc
Un Don Quichotte 2.0
Comme à peu près chaque film Pixar, Toy Story est un nid foisonnant de théories et des multiples interprétations de sa fan base. Une des analyses les plus passionnantes a été émise par Bruce R. Burningham dans un essai d’une vingtaine de pages intitulé Walt Disney’s Toy Story as Postmodern Don Quixote, dans lequel le chercheur américain souligne la correspondance profonde qu’entretien la saga Toy Story avec Don Quichotte de Cervantès. L’astronaute Buzz y serait l’incarnation moderne du cavalier de La Mancha.
Alors que Don Quichotte prétendait être un chevalier combattant des forces occultes, Buzz se forge un destin tout aussi illusoire : ranger de l’espace, envoyé en mission secrète pour terrasser l’empereur maléfique Zurg. Les deux personnages sont d’ailleurs introduits de façon similaire. Ils sont projetés dans le récit avec leur nouvelle identité héroïque sans même que l’on ait pris connaissance de leur ancienne existence. Woody prendrait pour sa part les traits de Sancho Panza. Le cow-boy tente d’abord de raisonner son compagnon puis, comprenant que c’est impossible, il se sert habilement des illusions du ranger pour le ramener vers sa quête.
Toy Story 3 ou la révolution Marxiste
Divertissement jubilatoire à la plastique éblouissante, Toy Story 3 est aussi un passionnant petit traité de politique moderne. Mais avant d’y plonger, revenons sur les deux premiers épisodes de la saga qui soulignaient le succès de la relation unissant les jouets à leur propriétaire Andy. En fait, Andy est le patron sympa dont tout salarié rêve, un patron qui a bâti un rapport d’interdépendance où les deux parties y trouvent leur compte : les jouets divertissent Andy qui en échange prend soin d’eux et tatoue son nom sur leur corps pour bien marquer qu’ils sont sa propriété.
Sauf que le jour où le garçon n’utilise plus ses jouets – c’est-à-dire ne voit plus en eux la moindre source de productivité – il s’en débarrasse. C’est le début de Toy Story 3. Les jouets licenciés vont toutefois retrouver espoir dans un nouveau projet professionnel : la crèche Sunnyside et son chef charismatique Lotso. Le leader leur présente un nouveau monde où ils ne dépendront pas d’un propriétaire – puisqu’ils sont leur propre maître – et donc ne pourront jamais être abandonnés.
Derrière l’utopie, les héros découvrent un système totalitaire composé d’une classe dirigeante privilégiée et d’une classe ouvrière qui souffre de conditions de travail affreuses (ici se faire déchiqueter et baver dessus par des jeunes enfants). Lotso prouve le bien-fondé du fonctionnement de l’institution en reprenant un vieil argument capitaliste. Si les jouets des classes inférieurs travaillent dur et obéissent, ils pourront petit à petit gravir la pyramide sociale et pourquoi pas atteindre le rêve américain.
Bien évidemment, le système mis en place est pensé pour que rien ne bouge et que les pauvres et les riches restent à leur place. C’est en déjouant le système de surveillance puis en contestant le pouvoir en place que les héros de Toy Story parviendront instituer à Sunnyside une nouvelle vraie utopie énoncée; lors d’une fête colorée à la fin du générique.
On y découvre un monde sans classe ni hiérarchie et basé sur l’entraide, système politique résumé quelques minutes plutôt dans le film par cette phrase de Barbie qui semble avoir pour livre de chevet Le Manifeste du parti communiste : « L’autorité devrait découler du consentement des gouvernés et non de la menace de la force« . Rapporter plus de 500 millions de dollars sur le sol américain en énonçant un tel sous-texte politique, il n’y a décidément que Pixar pour accomplir un tel exploit.
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