Alors que sort pour la première fois en France le tout premier film de Martin Scorsese, retour sur sa carrière pavée de chefs-d’oeuvre. S’y dessine sur quarante ans un précis passionnant d’histoire de l’Amérique vue par le prisme de sa fange, ses marges, ses bandits et sa contre-culture.
1968
Who’s that Knocking at My Door
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Après un passage raté au séminaire et des études de cinéma à l’université de New York, le jeune Scorsese se lance à 23 ans dans son premier long métrage. Who’s that Knocking at My Door connaît une difficile genèse : commencé en 1965, le tournage ne se terminera que trois années plus tard et le film sera peu distribué (il n’atteint qu’aujourd’hui les salles françaises, 44 ans après son premier clap). Pourtant le tout Scorsese est déjà là, entre violence, religion et univers italo-américain. Un grand début.
1973
Mean streets
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A la fois le film de la révélation cannoise (au sein de la fureteuse Quinzaine des réalisateurs) et celui de la rencontre avec un sublime et alors très félin Robert De Niro et le premier grand récit mafieux de Marty, qui dresse ici un sauvage portrait des petites frappes italo-américaines sur fond de Manhattan atouristique où se croisent fétiches cathos et élans rock (on entend ici Clapton, les Ronettes et surtout les Stones dont le Jumpin’ Jack Flash est ici magnifiquement utilisé). Premier chef-d’oeuvre.
1976
Taxi Driver
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Film de la Palme d’or, de l’explosion à l’international aussi bien pour Scorsese que pour un De Niro immense ici, Taxi Driver est aussi peut-être le plus saisissant portrait de New York de la filmo de Marty, ville chérie ici dépeinte à travers sa fange. D’une grande intensité, le film recèle également quelques gouffres d’ironie féroce, notamment sa fin. Et impose le mythe Travis Pickle, immense personnage punk. Le vétéran Michael Powell (Le Narcisse noir, Le Voyeur) apprécie et qualifie Marty de « Goya de la 10ème rue ».
1981
Raging Bull
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Sur une proposition de Robert De Niro (qui a pris quelques kilos pour le rôle), le cinéaste s’intéresse à Jae LaMotta. Alors désorienté dans sa vie personnelle, Marty filme la rédemption autodestructive du boxeur et signe un intense biopic, au fond très personnel. De Niro remporte l’oscar et Raging Bull sera élu meilleur film de la décennie par les critiques américains. Ce sera aussi l’ultime sommet d’une décennie et un âge d’or dont Marty avait été l’un des rois, les années soixante-dix et le Nouvel Hollywood.
1986
After Hours
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Après le succès de Raging Bull, Scorsese traverse une période moins faste économiquement. Il se met à la comédie-satire de la société du spectacle avec La Valse des pantins en 1983, puis avec After Hours en 1985. Si ce dernier, métaphysique, obtient le prix de la mise en scène à Cannes avec une balade nocturne d’un informaticien dans les rues de New York qui vire au cauchemar, ce n’est pas forcément le Scorsese qui a le mieux vieilli.
1990
Les Affranchis
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Si a posteriori, le film peut paraître une sorte de brouillon de Casino que Marty réalisera 5 ans plus tard avec presque le même excellent casting (du trio Pesci/De Niro/Liotta, seul ce dernier ne rempilera pas), il témoigne déjà d’une effarante maîtrise dans l’ampleur du rythme, de l’écriture, de la mise en scène. Derrière l’incroyable fresque mafieuse et le décorticage des rouages d’une ascension dans la pègre italo-américaine, c’est une manière de satire du star-system à laquelle se livre Marty, qui culmine dans l’ultime scène où le personnage de Liotta réalise que sans les instruments de son pouvoir (argent, costumes clinquants et flingues) il n’est pas grand chose de plus qu’un beauf middle-class.
1993
Le Temps de l’innocence
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Après un remake plutôt raté des Nerfs à vifs, Marty fait un bond en arrière dans le temps et se consacre à la fascinante fin du XIXème siècle dans la haute société new-yorkaise, tissée de traditions et de conformisme. Entre portrait d’entomologiste romantique de ce milieu et comparaison tribale, le film se révèle incroyablement riche et en même temps extrêmement émouvant dans son récit mi-cruel mi-attendri des amours des deux personnages principaux. La mise en scène tout à la fois idéale et très classique comparée aux précédents Scorsese paraît dictée par les décors, époustouflants, au sein desquels Marty fait un usage passionnant des peintures de l’époque. La photographie magnifique et l’extraordinaire interprétation du couple Daniel Day Lewis / Michelle Pfeiffer (avec également à leurs côtés une très bonne Winona Ryder) achèvent de faire de ce film l’une des plus somptueuses réussites scorsesiennes, dans un registre alors considéré comme surprenant mais loin d’être incohérent.
1995
Casino
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En trois heures captivantes qui ne pèsent rien, découpées avec un sens du rythme ahurissant et habitées par un trio Sharon Stone/De Niro /Pesci à un niveau d’interprétation hors norme, Marty signe son film le plus accompli depuis Mean Streets et l’une des cimes de la décennie 90. Saga mafieuse d’une extrême densité au souffle satirique mais aussi grand film politique, Casino porte la mise en scène scorsesienne à son plus haut degré de sophistication, entre mouvement perpétuel, perfection du cadre et écriture par la musique ici utilisée de manière révolutionnaire.
2005
No Direction Home: Bob Dylan
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Au delà de la fiction, Marty se démarque aussi dans le domaine du documentaire, qui prolonge le plus souvent l’une de ses deux grandes passions, le cinéma (ses sagas foisonnantes autour des cinémas américains et italiens), et le rock. Le temps d’un film, il se donne ici corps et âme à Bob Dylan pour No Direction Home et il renouvellera l’expérience trois ans plus tard avec Shine a Light, consacré aux Rolling Stones… Prochain sur la liste ? Le cinéaste prévoit à présent un biopic du Beatles Georges Harrison.
2005
Aviator
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Scorsese a trouvé son nouveau De Niro : il fait de DiCaprio, jeune et passionné, son nouvel acteur fétiche, qui se donne à voir chez lui comme l’un des plus grands acteurs américains. Après Gangs of New York, il lui confie le rôle de l’aviateur Howard Hughes puis le retrouvera dans Les Infiltrés et Shutter Island (en salle le 14 octobre prochain). Mais, depuis Casino, Scorsese perd de son brillant – à l’image de cet Aviator, beau, séduisant mais parfois un peu léger, ce qui n’est pas forcément sans faire son charme.
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