Marthe commence très bien, au fond d’une tranchée, par un travelling arrière qui circule entre les corps gisants de soldats sans vie et ceux, comme statufiés par la peur, de leurs camarades encore épargnés, suivi par une impressionnante scène d’assaut filmée en caméra subjective. Las, passé ce prologue, Jean-Loup Hubert ne fait pas (grande) illusion […]
Marthe commence très bien, au fond d’une tranchée, par un travelling arrière qui circule entre les corps gisants de soldats sans vie et ceux, comme statufiés par la peur, de leurs camarades encore épargnés, suivi par une impressionnante scène d’assaut filmée en caméra subjective. Las, passé ce prologue, Jean-Loup Hubert ne fait pas (grande) illusion très longtemps et ne tarde pas à déserter le front pour trouver refuge dans les douillettes ornières de la convention, désactivant petit à petit toute la charge romanesque que pouvait fournir cette histoire d’amour située pendant la guerre de 14. Sérieusement engoncé et dégageant une persistante odeur de naphtaline, Marthe présente tous les attributs de l’adaptation littéraire alors qu’il s’agit d’un scénario « original » du réalisateur du Grand chemin et finit par tomber sous l’avalanche des coups portés, énième victime du pénible syndrome du professionnalisme professionnel : dialogue traîne-la-patte, souci aussi maniaque que vain de la reconstitution, incapacité tragique à transformer un récit qui en vaut un autre en récit qu’aucun autre ne vaut. De fait, la passion censée consumer Coureau (rayonnante) et Depardieu (deux tons en dessous) s’apparente davantage à une pauvre flammèche qu’à un incendie ravageur, ce que ne fait qu’aggraver un happy-end absurde, en rupture totale avec la logique interne du film. Hubert cède à la coupable tentation de nous servir un discours antimilitariste qui se veut frondeur mais s’avère aussi subversif qu’un communiqué officiel du Sirpa. Finalement, l’aspect le plus malaisant de Marthe réside dans son côté catho de gauche, cette manière douteuse de gommer la part d’ombre de ses personnages, et de peindre une humanité uniformément compréhensive et charitable. Ce travers se ressent particulièrement dans la scène où Jugnot, atteint d’une gangrène dévorante, avoue être à l’origine du suicide d’un de ses compagnons d’infortune et reçoit dans un bel élan spontané l’absolution des deux agneaux de Dieu à son chevet juste avant de rendre l’âme. Si un jour le cinéma se trouve à l’article de la mort, nul doute qu’on appellera Jean-Loup Hubert ou l’un de ses descendants pour lui donner les derniers sacrements.
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