Les éditions Capricci mettent à l’honneur Josef von Sternberg et sa muse Dietrich dans deux bios complémentaires et indispensables.
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A notre époque où on peut parler d’une décadence de l’admiration, le Joseph von Sternberg, les jungles hallucinées, de Mathieu Macheret, critique de cinéma, fait du bien. Cet essai est en effet un exercice d’adoration. Tout ce qui dans l’œuvre de Sternberg émeut l’auteur, l’augmente, forge son discernement et lui insuffle l’urgence et le talent d’écrire. Pourquoi Sternberg ?
“Il légua au cinéma un gisement de chefs-d’œuvre affolants, certains connus (L’Ange bleu, Les Nuits de Chicago, Shanghaï Express), certains oubliés (Les Damnés de l’océan, Crépuscule de gloire), d’autres restés secrets (Fièvre sur Anatahan, La Femme et le Pantin).”
Marlene Dietrich, cocréatrice de sept films avec Sternberg
Instinctivement, on se rue sur ce qui est écrit avec grâce sur les oubliés. On est ravi du voyage, notamment du côté des Chasseurs de salut (1925), exaltation métaphorique de la boue. Mais d’autres fulgurances foudroient sur les mieux connus : “Shanghaï Express est avant tout un film sur un train qui n’avance pas, ou alors très peu.”
Bien des souterrains finissent par tisser un réseau, y compris avec les films perdus ou détruits de Sternberg. “Les œuvres disparues existent en puissance, fondues dans le métabolisme des œuvres restantes, qui par bien des aspects en gardent la mémoire virtuelle.” Ce qui fait le liant, c’est “une pensée de la lumière”.
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“Cette lumière est dans les films de Sternberg une trame organique, vivante, un véritable tissu, qui palpite en se déployant dans toutes les directions, charriant dans ses trajets contrariés l’entrave même qui gît au cœur du personnage sternbergien.” Et Marlene Dietrich, cocréatrice de sept films avec Sternberg. Encore des visions inspirées, notamment à propos de Morocco (1930).
“Il faut toujours, dans les films de Sternberg, faire très attention aux entrées en scène de Marlene, qui provoquent un complet bouleversement de l’image, une sorte d’épiphanie du visible : ici, elle sort littéralement d’un rayon de lune, faisant son entrée de champ sur le pont enténébré d’un vaisseau sur le point d’accoster à Mogador, le visage rayé horizontalement par une voilette brodée, comme emmitouflée dans un manteau de nuit.”
Parfois méchante, souvent drôle
Marlene encore et toujours, dont on peut lire en appoint la biographie par Camille Larbey qui, telle une boule à facettes dans un cabaret brumeux, diffracte toutes les vies de Dietrich. Déterminée pour le cinéma dès son adolescence berlinoise, bête fauve dans la jungle hollywoodienne, égérie des GI’s pendant la Seconde Guerre mondiale et au finish chanteuse rauque.
Parfois méchante, souvent très drôle. Sa rencontre avec Garbo a valeur de résumé. Marlène est chaleureuse, Greta, polaire. Conclusion de Dietrich après le départ de la Divine : “Elle n’a pas d’aussi grands pieds que ça.”
Josef von Sternberg, les jungles hallucinées de Mathieu Macheret (Capricci), 216 p., 20€
Marlene Dietrich, celle qui avait la voix de Camille Larbey (Capricci), 112 p., 11,50€
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