Aujourd’hui, on ne dit plus Qualité France (modèle Jean Delannoy), on dit Qualité Européenne (modèle n’importe quoi pourvu que le film se monte). Nouvel exemple cette semaine : Mario et le magicien. Coproduction franco-allemande. Acteur anglais (Julian Sands). Actrice italienne (Anna Galiena). Réalisateur allemand (Brandauer) et scénario tiré d’une nouvelle d’un écrivain allemand (Thomas Mann) […]
Aujourd’hui, on ne dit plus Qualité France (modèle Jean Delannoy), on dit Qualité Européenne (modèle n’importe quoi pourvu que le film se monte). Nouvel exemple cette semaine : Mario et le magicien. Coproduction franco-allemande. Acteur anglais (Julian Sands). Actrice italienne (Anna Galiena). Réalisateur allemand (Brandauer) et scénario tiré d’une nouvelle d’un écrivain allemand (Thomas Mann) située en Italie. Après tout, pourquoi pas si tous ces talents s’additionnent ?
Plein de bonne volonté, on fait fi du doublage allemand qui massacre définitivement le jeu des acteurs. Au moins les images sont-elles magnifiques, captant la lumière dorée de la petite station balnéaire de Torre di Venere. On est dans les années 20. La famille de l’écrivain allemand Bernhard Fuhrmann est donc habillée dans de jolis tons grèges. La caméra enregistre quelques images insolites : les seins d’une fille sur un balcon, d’énormes quartiers de viande qu’on transporte dans un hôtel chic, un regard un peu trop appuyé entre deux messieurs… On se dit que si Brandauer n’a pas un regard de cinéaste, peut-être a-t-il un regard tout court.
Non, fausse piste. L’acteur-réalisateur adapte une nouvelle de Thomas Mann, on n’est pas là pour rigoler. Sous un prétexte fallacieux, la famille est chassée du palace. Leurs hôtes italiens font soudain preuve d’un racisme non dissimulé à leur égard. Le voile se déchire : c’est le fascisme qui gangrène la station balnéaire. La tension est donc censée monter de scène en scène, mais le filmage est tellement mou du genou qu’on s’endort gentiment. Quand le fameux magicien du titre entre en piste, on plonge carrément dans la grosse métaphore qui tache, et le film s’enlise, irrémédiablement.
Il ne reste plus qu’à prendre rendez-vous avec Mort à Venise, de Luchino Visconti, également adapté de Thomas Mann. Même ambiance déliquescente. Même esthétique raffinée. Mais vrai chef-d’œuvre amer.