Marie-Line parle des rapports de pouvoir, de race, de genre. Mais c’est en filmant la métamorphose de Muriel Robin que Charef trouve son vrai sujet. Quelques belles scènes et quelques bonnes idées, d’autres moins bonnes, des gens qu’on est content de revoir devant et derrière une caméra (Mehdi Charef, les excellentes Féjria Deliba et Valérie […]
Marie-Line parle des rapports de pouvoir, de race, de genre. Mais c’est en filmant la métamorphose de Muriel Robin que Charef trouve son vrai sujet.
Quelques belles scènes et quelques bonnes idées, d’autres moins bonnes, des gens qu’on est content de revoir devant et derrière une caméra (Mehdi Charef, les excellentes Féjria Deliba et Valérie Stroh), une superstar de la comédie, Muriel Robin, qui opère un virage de carrière gonflé, serré et réussi : dans Marie-Line, il y a à boire et à manger.
Marie-Line est cheftaine d’une équipe de nettoyage de nuit dans un supermarché. Sous sa coupe, des Beurettes, des Africaines, des sans-papiers ; au-dessus d’elle, des hommes, veules, machistes, exploiteurs. Comme tous les petits chefs, Marie-Line est vacharde, autoritaire, d’autant qu’elle a obtenu son job avec le piston du FN. Mais d’un autre côté, c’est une femme… et tout le mouvement du film est axé autour de cette féminité niée qui ne demande qu’à resurgir au grand jour. Commençons par ce qui nous fatigue ici : quand Charef cède au manichéisme (les hommes tous plus ou moins pourris), ou quand ses idées se font trop explicites sur des grands sujets comme le racisme, la solidarité humaine, la saloperie des rapports de pouvoir… Un dialogue trop édifiant par ci, une situation ou un plan trop insistant par là (la famille d’Africains à la rue) et on tombe dans le cinéma d’intention, c’est-à-dire du mauvais cinéma surtout quand les intentions sont bonnes et généreuses.
Mais il y a par ailleurs de fort belles choses ici, notamment l’amour avec lequel Charef regarde ses personnages féminins, l’attention qu’il met à filmer leur travail, leurs trajets nocturnes, leur quotidien. Quand il montre, Marie-Line est évidemment bien meilleur que quand il démontre. Exemple exemplaire, la séquence où, répondant à une annonce, Marie-Line part rencontrer un homme en province : la ferme à colombages, l’intérieur propret, le troupeau de vaches, le grand air, le silence… Marie-Line panique et retourne fissa vers sa cité de banlieue ! Inattendue, muette, cette séquence est magnifique et emblématique de ce que peut Charef quand il fait totalement confiance à ses moyens de cinéaste.
Reste à dire quelques mots de Marie-Line et de Muriel Robin. C’est bien à travers ce personnage qui occupe tous les plans que le film échappe finalement au manichéisme. Marie-Line est clivée à tous points de vue, entre ses supérieurs et inférieurs hiérarchiques, son autorité et son instinct protecteur, ses accointances FN et sa générosité fondamentale, entre sa carapace d’acier et son cœur d’artichaut (elle est fan de Joe Dassin, ce qui nous vaut une autre scène remarquable). Dans cette féminité, ces contradictions et cette vulnérabilité qui finit par affleurer, impossible de ne pas sentir Muriel Robin se confondre avec Marie-Line. C’est grâce à cette profonde part d’elle-même que la comédienne livre une performance généreuse, émouvante et digne d’admiration. Et c’est en suscitant et filmant ce travail que Charef trouve son vrai sujet (comment une vedette comique se dévoile) et prouve qu’il est un bon cinéaste.