A l’affiche de Scandale depuis une semaine et de Birds of Prey à partir de mercredi prochain, Margot Robbie confirme sa place parmi les actrices majeures d’Hollywood. D’abord célébrée pour sa plastique, elle s’affirme de plus en plus comme un corps politique et féministe.
Dans The Big Short (2015), consacré à la crise des subprimes ayant engendré le crash financier de 2008, le narrateur parle de la complexité des termes employés par le monde de la finance, avant d’annoncer aux spectateurs « Cela vous ennuie ? Eh bien, c’est normal. Donc, voici Margot Robbie dans un bain mousseux pour vous expliquer cela. » On voit alors l’actrice nue dans un luxueux bain à remous, coupe de champagne tenue entre des doigts délicats, son visage, encadré par des boucles blondes, baignant dans une douce lumière de fin de journée. Elle s’attelle alors à expliquer le principe des subprimes, terme obscur et difficilement compréhensible au premier abord.
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Cette scène, dans un sens, pourrait faire écho à certains des rôles de la carrière de Margot Robbie : une dualité entre un personnage intelligent, fort ou puissant, mais parfois sexualisé et soumis au regard masculin et publicitaire. Heureusement, l’actrice s’en sort remarquablement, grâce à des interprétations réussies qui, depuis Moi, Tonya en 2017, lui ont valu plusieurs nominations aux Golden Globes et aux Oscars.
Une des actrices les plus en vue à Hollywood
Comme on le soulignait il y a maintenant deux ans, l’actrice a réussi à s’émanciper du seul statut de femme sexy et désirable (elle s’était retrouvée en haut du classement FHM relativement sexiste des 100 femmes les plus sexy au monde en 2016) à celui d’une des personnalités les plus influentes du moment, en apparaissant dans le fameux classement TIME en 2018. A 29 ans, elle est aujourd’hui une des actrices les plus demandées d’Hollywood, tout en gérant sa propre société de production.
Car la jeune vedette met tout en œuvre pour créer ses opportunités, dès son adolescence. Elle commence tôt à travailler, à la fois dans la ferme de ses grands-parents à Gold Coast en Australie, et de jobs étudiant. A l’âge de 17 ans, elle part à Melbourne sans un sou dans l’espoir de démarrer une carrière d’actrice ; ses efforts payent alors, et elle obtient un son rôle dans le soap opera Les Voisins, très populaire en Australie, qui lui vaudra une nomination aux Logie awards.
Un premier rôle qui la révèle à l’international offert par Scorsese
Trois ans plus tard, elle s’envole pour Hollywood et y obtient son premier rôle principal dans la série Pan Am, où elle joue une apprentie hôtesse de l’air aux côtés de Christina Ricci. Après un second rôle en 2012 dans le peu remarqué Il était temps de Richard Curtis, elle passe un casting pour Le loup de Wall Street, lors duquel elle se retrouve face à Leonardo DiCaprio, improvise avec lui une dispute, et… le gifle. Cette audace spontanée lui vaudra le rôle, grâce auquel elle remporte ensuite l’Empire award du meilleur espoir féminin, sa première récompense.
Cependant, sa prestation, bien que très réussie, reste celle d’un personnage assez sexualisé et stéréotypé – d’autant plus ambivalent que, dans la fameuse « mommy and daddy scene » avec DiCaprio, si Naomi Lapaglia, son personnage apparaît en position de pouvoir sur son mari à sa merci, elle se retrouve en fait piégée par ce dernier qui renverse le rapport de force en lui apprenant qu’elle (et ses jambes écartées) était filmée à son insu.
Ce premier rôle qui la révèle au niveau international pointe aussi, en parallèle, le risque que Margot Robbie ne se voit proposer que des personnages similaires. Elle en est consciente : « Une fois que j’ai fait Le loup de Wall Street, j’ai reçu des rôles qui étaient tous vraiment semblables à ce que j’avais fait dans ce film, ce qui était étrange pour moi parce que je ne suis pas du tout comme ce personnage. Je me souviens avoir dit à mon équipe : ‘Nous ne pouvons prendre aucun de ces rôles, sinon je vais jouer la femme ou la petite amie toute ma vie' », annonçait-elle alors au New York Times.
L’actrice semble alors y parvenir, et s’essaie au rôle de hors-la-loi dans Diversion (2015), en incarnant une jeune pickpocket se transformant en criminelle, puis joue Jane Porter dans le Tarzan de 2016. La même année, elle se glisse dans la peau de la fantasque Harley Quinn dans Suicide Squad, boudé par la critique mais qui salue cependant la performance de Robbie.
Première nomination aux Oscars pour Moi, Tonya
En 2017, elle incarne la patineuse Tonya Harding dans Moi, Tonya – prestation qui lui vaut sa première nomination à l’oscar de la meilleure actrice – qu’elle coproduit par ailleurs avec sa société de production LuckyChap Entertainment créée trois ans plus tôt. “Je veux faire entendre ma voix dans le processus créatif. En tant qu’actrice, je ne peux qu’influencer mon rôle mais je n’ai pas mon mot à dire sur tout le reste, ce qui est parfois frustrant,” indique-t-elle alors pour expliquer son investissement dans son rôle de productrice. Signe de ses revendications féministes, elle ne veut, par ailleurs, ne « produire que du contenu badass mené par des femmes ».
Méconnaissable, elle devient ensuite la Reine Elizabeth I dans le film d’époque Mary, Queen of Scots de Josie Rourke, aux côtés de Saoirse Ronan et s’éloigne à nouveau de la simple image de jolie blonde que certains auraient tendance à vouloir lui coller. Vient ensuite Once Upon a Time… in Hollywood, où elle obtient le rôle de Sharon Tate au culot en envoyant une lettre à Tarantino, lui annonçant qu’elle rêve de jouer dans l’un de ses films. Ce sera chose faite, et si son rôle est décrié par une partie de la critique qui trouve que Sharon Tate est représentée de manière caricaturale et Margot Robbie soumise à un certain male gaze, cette dernière se fait néanmoins remarquer, à nouveau, par une excellente interprétation.
Dans Scandale, elle incarne Kayla Pospisil, un personnage composite censé représenter un mélange de diverses femmes ayant eu affaire au harcèlement sexuel de Roger Ailes. Là encore, malgré un personnage écrit et filmé de façon imparfaite – on notera par exemple la scène très dérangeante où Ailes demande à la jeune femme de remonter sa robe pour voir ses jambes et où la caméra s’arrête sur la petite culotte, adoptant le point de vue voyeur du prédateur au lieu de celui de la victime, Robbie sauve néanmoins son personnage et le film (aux côtés de Charlize Theron et Nicole Kidman, incroyables également) par son jeu d’actrice remarquable.
Double casquette d’actrice et productrice pour Birds of Prey
Enfin, à l’affiche ce mercredi, Birds of Prey signe la réappropriation de Margot Robbie de son personnage d’Harley Quinn dans Suicide Squad, incarnant cette fois le rôle principal. Mue par ses valeurs féministes et cherchant à renverser les codes de l’industrie du cinéma, c’est elle qui est à l’initiative de l’idée du film, qu’elle produit également : « J’ai proposé l’idée d’un film de gang féminin avec Harley, parce qu’elle a besoin d’amis. […] Elle doit être avec d’autres personnes, et ça devrait être une bande de nanas. Il n’y a pas assez de groupes de femmes, et particulièrement dans les films d’action. » Notons que le titre original du film est bien plus évocateur que la traduction française : on parle en effet de « l’émancipation » fabuleuse d’Harley Quinn. De la même manière, c’est aussi Margot Robbie qui a suggéré qu’une réalisatrice soit aux commandes de ce projet : « Il fallait bien sûr une réalisatrice pour ce film. Et donner sa chance à une réalisatrice de faire un film à gros budget. Elles n’ont toujours que les petits films. »
Ces revendications forcent par ailleurs l’admiration de Charlize Theron, sa partenaire à l’écran dans Scandale : « A son âge, qu’elle ait pris le contrôle de sa carrière, qu’elle soit si proactive, qu’elle sache ce qu’elle veut créer et transmettre… Je suis un peu intimidée », annonçait-elle à Variety. Et à bien y regarder, les trajectoires des deux femmes se ressemblent.
Face au peu de scénaristes femmes, elle crée il y a quelques mois un programme d’écriture de scénario réservé à ces dernières, spécialisé dans les films d’action, où les femmes sont particulièrement sous-représentées. L’un de ses prochains projets, signe là encore d’une certaine ambivalence dans ses rôles, est un remake en live action de la poupée Barbie, qu’elle incarnera. De quoi initialement avoir des sueurs froides, donc, mais on est rassurés en apprenant que le film sera coécrit par la géniale Greta Gerwig (LadyBird, Les Filles du Docteur March), qui a su s’imposer comme réalisatrice à la vision féministe puissante, et Noah Baumbach (Frances Ha, Marriage Story). On a nul doute, alors, que ces deux-là sauront transformer l’histoire de l’iconique poupée en récit digne d’intérêt et dépourvu de clichés.
Ce prochain rôle atypique constituera peut-être un point de bascule dans la carrière de Margot Robbie, dans le sens où il syncrétise les deux pôles de sa carrière, à savoir un cliché sexualisé sous lequel palpite un engagement féministe.
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