La relation exclusive et passionnelle d’une jeune fille avec sa sœur handicapée. Un premier film maîtrisé et convaincant.
C’EST SUR LA PAROI D’UN GRAND ROCHER QUE L’ON DECOUVRE ELISA (Diane Rouxel) en train de grimper. Son père (Cédric Kahn) la devance de quelques mètres. A la manière d’un prof de sport, il lui indique les prises à saisir pour faciliter la montée, l’encourage. L’exercice est difficile, mais on sent avec quel plaisir ils l’apprécient, tant pour la rigueur qu’il impose, que pour ce moment à deux qu’il permet et dontils n’ont plus tellement l’habitude.
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Depuis que sa mère a brusquement quitté le foyer, Elisa est toute dévouée à sa grande sœur Manon (Jeanne Cohendy, impressionnante), handicapée, qu’elle surveille attentivement. Fonçant sur les routes de montagne qu’elle emprunte tous les jours pour se rendre dans la pépinière où elle travaille, puis pour rentrer chez elle, Elisa, telle une automate au cœur tendre, croulant sous le poids du devoir affectif,ne cesse de s’agiter. Alors qu’elle devrait prochainement quitter le foyer pour aller faire ses études, la fille de 17 ans voit de plus en plus cet éloignement comme un abandon auquel elle se refuse.
Dès sa séquence d’ouverture, on identifie le chemin dessiné par Marche ou crève, premier long métrage de Margaux Bonhomme. Consciencieusement mise en scène, cette partie d’escalade entre père et fille place d’emblée le film du côté du récit initiatique d’une jeune héroïne empêchée – et, par ricochet, d’une cinéaste en devenir.
Et si l’image de cette montagne à gravira tout de l’imposante métaphore, c’est pourtant bien dans son aspect abrupt, heurté, que Marche ou crève puise sa force. Filmées comme de longues captations documentaires, chargées du vécu intime de la cinéaste, les scènes de vie ordinaire – de la toilette au coucher en passant par le repas – disent tout de la relation complexe qui se joue entre les deux sœurs, mélange d’amour débordant, de haine et source d’éreintement pour la plus jeune, obligée de (sup)porter l’aînée, de vivre avec ses cris et ses angoisses parfois difficiles à cerner.
Après avoir joué aux Garçons sauvages chez Bertrand Mandico et au petit soldat chez Hélène Fillières (Volontaire), Diane Rouxel prouve à nouveau qu’elle est une actrice physique, endurante, froide et solide comme une machine de guerre, douce et fragile comme une petite fille égarée.Dans le film, son histoire d’amour avec un homme marié et sa relation douloureuse à sa mère apparaissent anecdotiques et inutiles. Des artifices dont l’actrice n’avait nul besoin pour incarner en profondeur l’ambiguïté de ce personnage à la dangereuse dévotion qui finira par comprendre que, pour bien aimer les gens il faut aussi, parfois, savoir les quitter.
Marche ou crève de Margaux Bonhomme (Fr., 2018, 1 h 25)
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