A Cannes, Maïwenn a fait sensation avec Polisse, où JoeyStarr explose. Rencontre.
Tu as beaucoup regardé les autres acteurs à l’oeuvre ?
JoeyStarr – De manière générale, je regarde pas mal… D’autant plus quand je suis face à des gens qui envoient. J’aime quand il y a du répondant et par-dessus tout j’aime quand c’est carré, quand j’ai la tête dans le guidon. Là, c’était parfait.
Maïwenn, pourquoi faire appel à autant d’acteurs, une dizaine au générique ?
Maïwenn – Le scénario imposait d’avoir un groupe en permanence. Alors j’ai joué la maîtresse d’école.
JoeyStarr – Nous, on n’arrêtait pas de rigoler…
Maïwenn – J’avais parfois envie de rigoler aussi, mais ça n’était pas possible, j’étais obligée de mettre ma casquette de réalisatrice.
JoeyStarr – Tout est dans la casquette… En même temps, le fait de rigoler entre nous était important pour le film, ça donnait un côté « roue libre », même si à la base le truc est super écrit.
Il y a une scène de cantine assez impressionnante, une joute entre comédiens. Etait-elle totalement écrite ?
Maïwenn – Tout était écrit. Mais je déteste les moments où les acteurs attendent leur tour pour parler. A part les scènes d’interrogatoire, très proches du scénario, tout le reste a été joué au feeling : je leur ai dit « Ecoutez-vous ». Pour moi, c’est là que surgit la vérité. J’avais aussi toute une série de blagues, de situations que j’appelais des « jokers », notées dans un cahier, et que je sortais quand je sentais qu’on était un peu dans le mur.
Est-ce que, avec cette liberté que Maïwenn offre, les acteurs se sentent parfois un peu livrés à eux-mêmes ?
JoeyStarr – Non, parce qu’elle est là, elle explique avant. Elle sait faire en sorte que les choses s’enclenchent à un moment donné et que ça tourne presque tout seul.
Maïwenn, tu t’étais fixé des objectifs sur la mise en scène, la caméra ou le son ?
Maïwenn – Non, comme dans les autres films, la ligne c’était : plusieurs caméras à l’épaule et être toujours à l’affût. Si je dis aux comédiens de s’écouter, je dis aussi aux cadreurs de regarder, quitte même à filmer les acteurs à leur insu. Mais c’est rare que ces scènes volées servent.
Il existe plusieurs scènes d’action dans le film. C’est un registre qui t’intéresse aussi ?
Maïwenn – Tout ça faisait vraiment partie des « nouveaux ingrédients » que je voulais introduire. J’avais envie que les policiers de la brigade de protection des mineurs sortent de leur bureau, qu’ils rencontrent d’autres brigades et qu’on voie à quel point ils sont rejetés. Je voulais qu’on les voie sortir de leurs histoires d’enfants et tenir des pistolets en main. Lors de ma période d’observation, j’ai assisté à une opération spéciale et je me souviens avoir vu les visages des policiers s’illuminer au moment où ils ont dû sortir et bosser avec les stups ou je ne sais plus qui…
Joey, les scènes d’action, ça te branche ?
JoeyStarr – Oui et non. Ce n’est pas ce qui me titille le plus. J’aime les trucs plus intimistes.
Est-ce que tu sens que Maïwenn parvient dans ses films à dévoiler des choses que tu ne parviens pas à révéler, toi ?
JoeyStarr – Des choses que je ne cherche pas à dévoiler, surtout. C’est difficile de répondre… En même temps, je ne suis qu’un personnage qui fait partie de l’histoire.
Comment est-ce que vous vous êtes rencontrés ?
Maïwenn – Je lui avais demandé d’écrire une chanson pour Le Bal des actrices, et à force de le voir pour la chanson j’ai pensé à lui comme comédien.
Ce Festival de Cannes, c’est un peu la vraie naissance de JoeyStarr au cinéma. Tu es fière de ça, Maïwenn ?
Maïwenn – Très. Mais je ne sais pas s’il est content, lui, car il ne m’a rien répondu quand je lui ai dit que j’étais prise à Cannes.
Alors Joey, tu es content ?
JoeyStarr – Non, Cannes c’est chiant. Mais c’est une consécration pour le film et c’est bien parce qu’on s’est bagarrés pour le faire. Mais le reste, le fait de ne jamais sortir de l’hôtel, ça me fatigue. En plus, je ne suis pas très paillettes. Ce qui me semble bizarre, c’est qu’en général, quand j’ai envie que ça s’arrête, ça s’arrête, mais là c’est comme si je ne maîtrisais pas. C’est « Joey, Joey », c’est les photo-call, etc. Et je n’ai aucune patience pour ça.
Tu as le sentiment de « devoir » quelque chose à Maïwenn, qui a véritablement lancé ta carrière d’acteur dans Le Bal des actrices ? JoeyStarr – Complètement.
On trouve souvent des doublettes « acteur-réalisateur » dans le cinéma, mais la vôtre est assez originale, elle arrive au cinéma par des chemins détournés : en gros c’est NTM qui rencontre La Famille Ramdam (le titre de la sitcom qui a révélé Maïwenn à la télévision). C’est une idée qui vous séduit ?
Maïwenn – La Famille Ramdam, le vieux dossier (rires)… Je nous trouve beaux dans le film, et c’est vrai que de l’extérieur, c’est assez séduisant cette idée d’un acteur et d’un réalisateur qui s’enrichissent mutuellement. Mais je souhaite vraiment à Joey de rencontrer d’autres univers de réalisateurs. Le point commun que nous avons, je pense, c’est la fierté de n’avoir sucé personne pour faire ce qu’on a envie de faire.
JoeyStarr – Voilà, c’est notre point commun…
Propos recueillis par Emily Barnett & Pierre Siankowski