L’errance d’une jeune toxico dans Big Apple. Un portrait rêche et prenant.
Resté dans les cartons de la distribution internationale depuis sa présentation à la Mostra de Venise en 2014, Mad Love in New York signe enfin le retour de deux frères qui avaient, à la fin des années 2000, incarné le renouveau du cinéma indépendant new-yorkais avant de se faire un peu oublier ces dernières années.
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Son renouveau, ou plutôt justement sa belle constance, sa capacité à se régénérer avec toujours la même matière fruste, ingrate, quotidienne, quelle que soit l’époque, le New York des street kids et de l’héroïne n’ayant pas tant changé depuis celui des soûlards d’On the Bowery (Lionel Rogosin, 1956), archétype du cinéma indépendant new-yorkais que les deux frères citent volontiers en exemple.
La loi de l’addiction
Car le moins qu’on puisse dire, c’est que si les deux premiers films des Safdie (The Pleasure of Being Robbed, 2008, et Lenny and the Kids, 2009) s’étaient vu reprocher, paradoxalement, un regard à la limite du doucereux (notamment le premier et ses échappées poétiques au zoo de Central Park), Mad Love in New York saura ramener le curseur de leur cinéma du côté de la folie, du chaos et de la morbidité, où l’on sent plus que jamais l’influence de leur mentor, coscénariste et monteur Ronald Bronstein.
Mad Love in New York est l’histoire de Harley, une jeune sans-abri toxicomane errant dans la ville, qui, par amour pour son petit ami, mais aussi animée par une sorte de défi, se tranche les veines (scène incroyable d’absurdité, en centre-ville et plein jour, où le garçon encourage celle qui l’aime à passer à l’acte). Puis ce n’est plus l’histoire de grand-chose : Harley sort de l’hôpital et le film est comme assommé par ce coup de semonce initial impensable, sidérant, puis pris dans la glu du quotidien qui reprend forcément, la loi de l’addiction ne faisant pas de cadeau.
Une incroyable bienveillance
Tout le talent des Safdie (et, encore une fois, de Bronstein, qui monte avec une sorte d’hystérie malicieuse vraiment étourdissante) est alors une simple affaire de point de vue sur ces kids dépravés, irrécupérables, mais pris dans une sorte d’élégie, regardés avec une incroyable bienveillance – des vrais laissés-pour-compte que les Safdie sont allés chercher dans les rues et qui rejouent leur propre vie, au premier rang desquels l’impressionnante Arielle Holmes, dont l’élocution à la fois très populaire et très élégante dicte au film son tempo.
Filmer les marginaux, avec le degré adéquat de mise en danger, d’implication, de fictionalisation : épreuve du feu de l’underground cinema new-yorkais sans cesse remise sur le métier et qui, encore une fois, fait impeccablement ses preuves.
Mad Love in New York (E.-U., 2014, 1 h 37)
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