Un trader riche et seul, une femme de ménage sexy et célibataire. Une comédie romantique défaite par la lutte des classes.
Permet-elle mieux que toute autre profession d’étudier les rapports de classe et de domination, ce partage du monde qui fait que certains salissent et d’autres, derrière, nettoient ?Dans ce temps d’angoisse généralisée de précarisation, apparaît-elle comme la figure la plus exemplaire du prolétariat ?
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La femme de ménage est en train de devenir, en tout cas, le personnage-emblème du cinéma commercial français. Le mois dernier, le grand bourgeois Luchini découvrait les joies de l’existence dans les bras de sa bonne espagnole (Les Femmes du 6e étage). Bientôt, une comédie avec François Cluzet traitera, crise aidant, de la masculinisation de ce métier (Mon père est femme de ménage). Pour l’heure, c’est Karin Viard qui repasse les chemises et ramasse les chaussettes de Gilles Lellouche dans Ma part du gâteau.
Le film part mal. C’est-à dire sur un montage alterné entre la vie de France (le prénom a bien sûr valeur de symbole), ouvrière licenciée à la suite d’une délocalisation, et celle de Steve (un prénom anglo-saxon pour mieux incarner toutes les angoisses de la globalisation), arrogant trader qui jongle avec les milliards entre Londres et Paris.
D’un côté donc, la vie du peuple, qui, comme il se doit, fait contre mauvaise fortune bon cœur et oppose à l’adversité de solides valeurs de solidarité, chaleur humaine, humeur festive (bières au comptoir, carnaval de Dunkerque).
De l’autre, la vie des dominants, où prévaut la solitude (divorce, faible instinct paternel…) dans un monde post-houellebecquien où tout s’achète, se consomme et se jette.
Parti sur ces bases très stéréotypées, le film se poursuit plus gravement encore lorsque France se fait embaucher comme femme de ménage par Steve. Selon un retournement scénaristique éprouvé, au contact des valeurs toutes simples mais authentiques de la femme du peuple, le cynique capitaliste s’humanise peu à peu.Et symétriquement, sous la femme courageuse occupée à sa seule survie économique se font entendre peu à peu les battements de cœur d’une midinette.
Pourtant, dans son dernier tiers, le film modifie la perception qu’on en avait. Parce qu’il déjoue son programme prémâché à base de “ils se détestent/ils se rapprochent/ils s’aiment”. Après une péripétie qu’il convient de ne pas révéler, la comédie romantique mute brutalement, troque l’unanimisme (l’amour qui transcende les classes sociales) contre un appel à l’insurrection des exploités.
On ne s’attendait pas à cette subite embardée direction Dernier maquis de Rabah Ameur-Zaïmeche (toutes proportions gardées). C’est au prix du faible crédit construit par ses deux premiers tiers que le film, in extremis, intéresse – presque par soulagement.
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