dream Un cinéaste tadjik psychédélique s’affranchit de la tutelle Kusturica dans un film tout en accélérations et audaces. A se baigner dans l’atonie délicieuse des élus de Taiwan ou du Japon, à se laisser dériver au long cours de films lents et sinueux, on en viendrait à oublier que le cinéma peut aussi être affaire […]
dream
Un cinéaste tadjik psychédélique s’affranchit de la tutelle Kusturica dans un film tout en accélérations et audaces.
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A se baigner dans l’atonie délicieuse des élus de Taiwan ou du Japon, à se laisser dériver au long cours de films lents et sinueux, on en viendrait à oublier que le cinéma peut aussi être affaire d’accélérations et d’outrances, de coups de force et de télescopages. Baktiar Khudojanazarov est tadjik, du genre agité, et déboule bouillonnant dans un théâtre saturé de circulations. Bratan, premier film, avait le train pour épine dorsale et générateur de fiction. Ses arrêts et redémarrages organisaient la narration, accueillaient passagers, rencontres et accidents, mais traçaient une voie linéaire dans un espace touché par la désertification et propice à la pure contemplation.
Autre régime ici, en proie à la surchauffe, où Khudojanazarov convoque un éventail de machines volantes, roulantes, dérapantes pour mieux en dérégler la conduite, prônant un échevelé refus des priorités. Et bienvenu au concassage, tôles, codes et récit froissés. La trame est certes similaire à celle de Bratan ; il s’agit à nouveau de la quête du père, celui du narrateur, bavard mais embryonnaire. Il est venu se nicher dans le ventre de Mamlakat suite à une séquence d’une audace époustouflante, peut-être la plus belle vue cette année, tout juste surpassée en intensité par l’ineffable finale de Beau travail : Mamlakat, d’abord enveloppée par la voix d’un incube, interminablement dévale sur le dos la pente d’une colline, juste rehaussée par le corps du priape qui la féconde. Glissements progressifs du plaisir pour une vierge en robe lacérée, avant lévitation épiphanique saluée d’un vol de poisson.
Evidemment, plane à ses côtés une autre figure, embarras tutélaire balkanique nommé Kusturica. Alors, Luna papa, Chat noir, chat blanc, bonnet blanc et blanc bonnet Difficile de s’y soustraire, sauf que Khudojanazarov ne cède ni à la tentation géopolitique ni à la recherche à tout crin du performing act. Vertu du retranchement, il s’affirme tel un Kustu débarrassé de la pesanteur du discours et de la complaisance idéologique. On y gagne au change, faire sens paraissant le cadet de ses soucis, tant le cinéaste semble mû par la seule ivresse de son énergie débridée. Encore faut-il avoir le souffle nécessaire pour tenir la distance. Luna papa n’y faillit pas, mais c’est le spectateur qui finit par suffoquer, bientôt entravé dans sa course par un pénible point de côté. L’amateur de dénuement cale un peu sur ce déploiement psychédélique à faire passer pour de la ligne claire la pochette du Disreali gears de Cream. Alors qu’on menace de démissionner, le cinéaste finit par nous emporter en larguant les dernières amarres qui le rattachent à la terre ferme : pluie de vaches, envolée de toit par la grâce de ventilateurs ou d’une araignée bien accrochée au plafond, Little Nemo f tal au Tadjikistan. Sil ne décroche pas encore les étoiles, Khudojanazarov, man on the moon du mois, vient de faire un grand pas vers l’unanimité.
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