Alors que le long-métrage a connu de nombreux reshoots peu de temps avant sa sortie, Chris Weitz a accepté de revenir sur sa mouture du script, et ses divergences créatives avec Lucasfilm.
La mise en avant de productions hollywoodiennes complexes, pour ne pas dire houleuses, est aujourd’hui très commune. Il ne s’agit plus désormais de fantasmer des films qui n’ont jamais pu se faire (on pense au Crusade de Paul Verhoeven ou au Dune de Jodorowsky), mais de fantasmer des films différents de ceux qui ont été projetés sur les écrans. De Suicide Squad à Justice League, les exemples ne manquent pas. Entre reshoots, changements d’équipes et autres remontages, le public profite de certaines fuites d’informations pour scruter la moindre image fantôme, à commencer par celles souvent présentes dans les bandes-annonces. L’industrie a beau endiguer du mieux qu’elle peut ces révélations, il est évident que ce type de décorticage apporte un nouveau regard sur la manière dont une œuvre est fabriquée, quitte à ce que les coulisses se fassent un peu trop présentes dans l’imaginaire du public.
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Dans le domaine, Rogue One, le premier spin-off de la saga Star Wars, a particulièrement fait couler de l’encre. Réalisé par Gareth Edwards et sorti fin 2016, le long-métrage est passé par une forte phase de réécriture, au point pour le cinéaste d’avoir été, selon les rumeurs, évincé du projet au profit de Tony Gilroy. Ce dernier a d’ailleurs quelque peu confirmé ces suppositions, expliquant au micro du podcast A moment with Brian Koppelman qu’il est arrivé après le director’s cut pour réorganiser ce qu’il décrit lui-même comme « un bourbier » (Écran Large).
Faut-il fermer le puits à fantasmes ?
Rogue One fascine ainsi depuis sa sortie, interrogeant les fans sur sa note d’intention originelle (on sait que certains personnages ne devaient pas mourir dans les premières versions) ou même sur la paternité de certaines scènes (la séquence finale de Dark Vador, emblématique du long-métrage, aurait été tournée très peu de temps avant la sortie). Invité sur le podcast Cult Popture, Chris Weitz, l’un des premiers scénaristes à avoir officié sur le film, a pu évoquer quelques unes des différences entre son travail et le résultat final.
S’il reste assez vague, voire élusif, au vu de ses contrats signés avec Disney, il affirme que la décision de tuer tous les personnages a été prise en sa présence : « L’une des versions se terminait sur un mariage. Mais pour moi, leur mort était nécessaire. »
Par ailleurs, l’auteur dit beaucoup aimer le final cut, et que sa découverte était même « un soulagement. » Cependant, il ne peut pas s’empêcher de regretter quelques abandons d’idées, à l’instar du Bor Gullet, monstre visqueux qui n’apparaît que dans une courte séquence à l’aboutissement faible. Pour Weitz, « c’était un rêve de créer un monstre pour Star Wars. »
L’équilibre de la Force ?
Néanmoins, le scénariste reste le plus neutre possible, conscient que ce type de décisions est loin d’être exceptionnel. Selon lui, la narration dans son ensemble a été retravaillée : « Si vous pouvez imaginer une interversion entre le début et la fin du deuxième acte, ce ne serait pas une façon erronée de visualiser les changements de structure ». Plusieurs morts de personnages auraient également été déplacées dans des lieux différents. Et comme l’on pouvait s’y attendre, Chris Weitz confirme qu’il n’a pas écrit la séquence finale de Dark Vador : « Ce fut une décision bien plus tardive ».
Enfin, le scénariste revient sur l’un des éléments réfutés de sa mouture : la révélation de l’Étoile Noire. Là où la version cinéma ne fait aucun doute sur l’identité de la super-arme, et sur la connaissance qu’en ont les rebelles, Chris Weitz voulait jouer d’une ambiguïté plus longue, d’un mystère apportant « une ironie dramatique ». Mais selon lui, les producteurs ne voulaient pas cacher une information que le public connaît déjà.
Il faut malgré tout rappeler que Rogue One a connu des réactions critiques globalement positives à sa sortie, ce qui a quelque peu réduit la volonté des fans de creuser la question de ses déboires créatifs, comme ils ont pu le faire pour Justice League par exemple. Cependant, on peut espérer que toutes ces productions énigmatiques sauront révéler petit à petit l’envers du décor, afin que l’on puisse reconstituer leurs trajectoires parfois inattendues.
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