Les deux cérémonies qui sont un peu deux équivalents français des Golden Globes américains se sont déroulées hier soir au même moment. Leur palmarès autant que leur cérémonie définissent deux visions du cinéma bien différentes.
A ma gauche, vous avez les prix Lumières, une cérémonie qui en est à sa 22e édition. Son jury est composé d’une centaine de journalistes issus de plus de 30 pays différents, mais exerçant en France en tant que correspondants étrangers. L’Académie des Lumières décerne 13 prix uniquement pour le cinéma.
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A ma droite, vous avez les Globes de cristal, une cérémonie deux fois plus jeunes puisqu’elle fête cette année sa 11e édition. Son jury est composé de 1 500 journalistes de la presse française. Les Globes de cristal décernent non seulement quatre prix pour le cinéma mais également des prix pour le théâtre, la télévision, la musique et la littérature soit un total de 14 catégories.
Etrangement, les deux cérémonies se déroulent le même soir à Paris, les Lumières au théâtre de la Madeleine et les Globes de cristal au Lido. La seule différence qui a permis à Isabelle Huppert d’être présente aux deux cérémonies est un décalage de la plus jeune cérémonie en deuxième partie de soirée. Autant dire que la compétition entre les deux événements est évidente. L’antagonisme entre deux visions du cinéma français l’est tout autant.
Deux visions du cinéma bien différentes
Pas un seul film n’est commun entre la liste des nominés pour le meilleur film des Lumières et celle des Globes de cristal. Fait ahurissant, Elle de Paul Verhoeven, film récemment récompensé par le Golden Globes du meilleur film étranger et encore récompensé hier aux Lumières par 3 prix (meilleur film, meilleur réalisateur et meilleure actrice) est absent de la catégorie meilleur film des Globes de cristal qui a désigné Chocolat meilleur film de l’année.
Dans les catégories meilleurs actrices et acteurs, on trouve plus de points communs. Isabelle Huppert, récompensée et présente aux deux cérémonies, Marion Cotillard et Virginie Efira ont retenu l’attention des deux jurys. Mais si on regarde de plus près, on réalise que Virginie Efira est nommée pour Un homme à la hauteur – qui ne le fut pas tant au niveau des entrées qu’au niveau de sa qualité artistique-, plutôt que pour Victoria de Justine Triet, comédie d’une toute autre trempe.
Nommé dans les deux cérémonies (à la différence prêt que les Lumières a eu la délicatesse de citer à ses côtés son partenaire de jeu James Thierrée), Omar Sy a été récompensé aux Globes de cristal. Dans la même catégorie du meilleur acteur, du coté des Lumières, c’est une légende vivante qui est venu chercher son prix sur scène : Jean-Pierre Léaud pour son éblouissante prestation dans La Mort de Louis XIV d’Albert Serra. Au passage, on ne peut que déplorer son injuste et étrange absence des César.
Si la seule autre récompense cinématographique des Globes de cristal a récompensé The Revenant en meilleur film étranger, les Lumières ont décernés deux prix à Divines (meilleure révélation féminine et meilleur premier film) et à Ma vie de courgette (meilleur scénario et meilleur film d’animation).
Autres motifs de réjouissance, la révélation masculine est attribuée à Damien Bonnard pour son rôle dans Rester vertical et le prix de la meilleure photographie est revenu à Jonathan Ricquebourg pour son travail dans La Mort de Louis XIV. Si on regarde les deux palmarès, celui des Lumières se place clairement du coté d’un cinéma d’auteur exigeant et ouvert, avec des champions tels que La Mort de Louis XIV, Elle et Divines. Hier soir, nous nous sentions beaucoup plus proches de la critique étrangère que des journalistes français.
Une cérémonie maîtrisée du coté des Lumières, complètement ratée pour les Globes de cristal
La cérémonie des Lumières était classe et sans hic. Après une très jolie ouverture au violon de Didier Lockwood, elle s’est déroulée sans anicroche, ni folie, si on met de côté le très spontané et réjouissant discours de remerciements d’Oulaya Amamra et Déborah Lukumuena de Divines. Le moment le plus fort de la soirée a sans doute été l’arrivée sur scène du mythique Jean-Pierre Léaud, immortel adolescent à l’incandescence inentamée.
Le concurrent des Lumières ne semblait lui pas l’avoir à tous les étages. La cérémonie des Globes de cristal a été un véritable fiasco malgré son luxuriant parterre de stars du showbiz. “J’ai rarement vu dans ma vie une soirée aussi hallucinante de rigueur, de bienveillance… Véronique Sanson chantait devant vous et les mecs continuaient à jacter comme des fientes !”. L’intervention d’un Fabrice Luchini très en verve résume bien une soirée « inconceptualisable » (selon le mot inspiré de l’acteur), où moments gênants, vulgarité et problèmes techniques étaient au rendez-vous.
http://www.dailymotion.com/video/x5a6c4l_fabrice-luchini-se-lache-pendant-son-discours_fun
Les deux animateurs, Estelle Denis et Artus, n’ont pas pu faire grand-chose pour éviter ce naufrage ; invité qui ne vient pas sur scène, Catherine Deneuve, présidente de cette édition, et son talon coincé dans sa robe avant qu’elle ne commence à parler dans un micro qui ne marche pas… et ce fut comme cela tout au long de la soirée.
La summum de la vulgarité a sans doute été l’intervention de Laurent Baffie, qui, après s’être trompé sur le prénom d’une comédienne, lui a rétorqué : « Saïda, c’est la même. J’en ai baisé tellement, j’ai plus de repères.« . Mais il ne s »est pas arrêté là, il a ensuite provoqué Teddy Riner en le traitant de « petite fiotte » avant de proposer à l’audience de plutôt parler de l’homosexualité du judoka.
Une cérémonie qui est vite devenue la risée de la twittosphère :
Catherine Deneuve, un parcours sans faute, un statut de mythe, une aura immortelle, et soudain la présidence des #GlobesdeCristal
— Christophe Conte (@christopheconte) 31 janvier 2017
Le mec du CSA qui tombe sur les #GlobesdeCristal pic.twitter.com/56gw6ywkrg
— Yassine Belattar (@BelattarYassine) 30 janvier 2017
Homosexuel, enculé, petite pédale, la finesse de @lolobababa au service de l’homophobie d’une cérémonie qui a déjà sombré. #GlobesdeCristal
— Geekin 2.0 (@Geekin20) 30 janvier 2017
#GlobesdeCristal des couacs, des vannes pourries, un public endormi et alcoolisé, des moments très gênants, voilà le résumé de la soirée
— Jonathan Manier (@JonathanManier) 31 janvier 2017
Résumé de la soirée #GlobesdeCristal pic.twitter.com/chuXRj1br8
— Danc (@cdanc17) 31 janvier 2017
Les #GlobesdeCristal vus des
États Unis pic.twitter.com/btUIzuJdhn— Yassine Belattar (@BelattarYassine) 30 janvier 2017
On ne peut s’empêcher de ressentir une forme de gêne pour cette cérémonie et définitivement afficher notre préférence pour son équivalent composé d’un jury étranger qui l’a surclassé hier soir.
A noter qu’une troisième cérémonie avait lieu hier soir à la Cinémathèque française. Les prix du Syndicat de la critique qui ont récompensé Elle en meilleur film, Aquarius en meilleur film étranger, Diamant noir en meilleur premier film et ex-aequo les livres Prodiges d’Arnold Schwarzenegger de Jérôme Momcilovic et Alain Resnais, les coulisses de la création de François Thomas. L’inépuisable Isabelle Huppert, qui était attendue pour venir chercher le prix à la place de Verhoeven, n’a quand même pas été en mesure de réaliser le surréaliste exploit de venir chercher trois prix dans trois cérémonies différentes, le même soir.
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