Hommage émouvant d’Amos Gitaï à son père, un des « architectes » d’Israël.
Seconde partie d’un diptyque commencé avec Carmel (qui ressort à cette occasion en salle), Lullaby to My Father s’attache à tresser des liens entre l’architecture et la famille du cinéaste Amos Gitaï au travers du cinéma.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Le père de Gitai, Munio Weinraub (Gitaï étant une hébraïsation tardive de
son nom de famille), né en 1909 en Silésie, a été élève du fameux Bauhaus de Dessau, en Allemagne, l’école d’architecture, de musique, de peinture, de théâtre et de design fondée par Walter Gropius.
Fils de métayer, ébéniste de formation, il a reçu l’enseignement révolutionnaire et moderniste que dispensaient Kandinsky, Klee ou Mies Van der Rohe, avant que les nazis n’accèdent au pouvoir en 1933 et ne ferment l’école en 1934.
Emprisonné et battu à Francfort, expulsé vers la Suisse, Munio Weinraub rejoint Haïfa en 1934, s’y marie. À partir de la naissance de l’État d’Israël en 1948, il deviendra l’un des artisans de la construction du pays, au sens propre, dessinant notamment des kibboutz, toujours fidèle à la rigueur, à la simplicité formelle et au minimalisme appris au Bauhaus, oasis de civilisation au cœur d’un pays qui se tournait volontairement vers la barbarie.
À travers des photos, quelques scènes de fiction (le procès de son père à Francfort), des témoignages (comme celui de sa fille) et des textes (notamment les merveilleux écrits de sa mère), ou des parties documentaires filmées aujourd’hui à Dessau, Gitaï construit peu à peu un tombeau, humble et sans fioritures, à la gloire modeste de son père, mort en 1970 d’une leucémie alors qu’il n’avait que 61 ans, et qu’Israël, après la guerre des Six Jours de 1967, s’apprêtait à se lancer dans un autre type d’architecture, en béton armé, que les Anglais appellent “brutal architecture”…
Toute la beauté du filme réside dans cet hommage discret, quasiment non dit, à un homme victime de la brutalité de l’histoire, de son temps, d’autres hommes et de la barbarie, mais qui tenta pendant toute sa carrière d’architecte de donner vie à son utopie d’artiste, de réaliser un idéal architectural qui avait pour mission de s’intégrer au paysage, de se mettre à la disposition des hommes, de leurs travaux et de leurs jours, de leur bonheur sur terre.
Au fond, et c’est ce que l’on retient de ce film humble et sobre, c’est l’histoire d’un homme de bien qui se mit au service de son pays pour redonner de l’humanité à l’humanité, du sens et de la beauté à un monde que la guerre avait rendu innommable et laid.
{"type":"Banniere-Basse"}