L’ex-cinéaste culte Roger Avary patauge dans la série Z, non sans une certaine rage.
Drôle de hasard que de voir arriver en France, à peine à un mois d’intervalle, les retours en salle de Quentin Tarantino et de Roger Avary. Drôle et cruel, tant se mesure l’éloignement abyssal qui sépare aujourd’hui ces deux chemins, partis pourtant du même point. Avary fut le fidèle partenaire des balbutiements originels de QT : posant la première pierre d’un True Romance à la genèse notoirement compliquée (le script passera ensuite à Tarantino, qui laissera Tony Scott le réaliser), coécrivant un Pulp Fiction dont il renoncera à réaliser un segment…
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Avary, nom malade pour destin empoisonné : quelques succès bizarres (le thriller Killing Zoe, le college movie Les Lois de l’attraction tiré du best-seller éponyme de Bret Easton Ellis) suivis d’une série de naufrages, annulations (Lunar Park, autre adaptation de l’écrivain américain) et égarement malheureux (Silent Hill), avec même une case prison suite à un tragique accident automobile en 2008.
L’âme damnée du cinéma indépendant U.S.
Lucky Day marque son retour, et donc celui de l’âme damnée du cinéma indépendant U.S. au tournant du millénaire. Mais si ce film attendu par une niche persistante de fans aurait pu leur faire miroiter une rédemption, une sortie du désert, il faut vite admettre qu’on assiste plutôt au triste spectacle de la continuité de la damnation.
Micro-thriller comico-gore suivant la journée de sortie de prison d’un malfrat (retrouvailles amoureuses et criminelles, entre vieux rade, fusillades de rue et une expo d’art contemporain), le film ne fait pas longtemps mystère de la minceur de son intrigue et de ses ambitions, s’apparentant à une espèce de série Z et peut-être même consciente de l’être.
Un film pour rire ? On se le demande presque, quitte à rire jaune face à la force vengeresse qui semble aussi porter ce troublant nanar – dans lequel l’on ne pourra s’empêcher d’assimiler le bad guy, flingueur privé de son butin, meurtri par la trahison, à un certain cinéaste à qui tout fut un jour promis, puis enlevé.
“Lucky Day” de Roger Avery (E.-U., 2019, 1 h 35) avec Luke Bracey, Nina Dobrev
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