Pixar trousse un petit conte convenu dans un paysage de cocagne méditerranéenne. Le savoir-faire est encore là, mais le ronron menace…
Sous la mer bordant un petit village de pêcheurs italiens vit une population cachée de monstres marins. Ils mènent une existence pastorale et paisible, à condition de ne jamais croiser ces humains qui ont fait d’eux des objets de terreur légendaire, et leur livrent une chasse sans merci. Mais quelques monstres assez téméraires pour en avoir fait l’expérience partagent un secret : sitôt sortis de l’eau et secs, ils prennent une apparence humaine. Luca, petit éleveur sous-marin de poissons globuleux, bon fils secrètement avide d’ailleurs, s’encanaille à la rencontre d’un nouvel ami, un joyeux garnement sans famille qui lui fait découvrir le pot aux roses. Ils s’introduisent à leurs risques et périls dans le village côtier.
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Deux arc narratifs cohabitent dans Luca. D’une part, une parabole vieille comme la Lune et pas évidente à renouveler sur l’altérité, l’acceptation de la différence et la réconciliation des peuples rivaux. Et d’autre part, le récit de l’ami sauvage et merveilleux, qui va offrir au héros une vie trépidante, mais demeurer condamné in fine à la marginalité. Celui-ci est aussi familier, mais un peu moins rebattu, et le film arrive à le raconter avec une sensibilité plus à vif.
Toujours est-il que la superposition des deux lui confère un air d’apologue fourre-tout, de mille-feuilles de petits enseignements moraux, donnant le sentiment que Pixar ne sait plus très bien quoi raconter ni pourquoi le faire. Le studio cache de moins en moins bien la grosse crise existentielle qu’il nous couve, tiraillé entre des projets méta high concept sans recherche de matérialité (Soul) et des projets au contraire fondés sur une image d’Épinal et un moodboard esthétique (ici une Italie de cartoon, avec quelques idées amusantes à la clé, mais pas de quoi claironner) mais aux thèmes de fond anecdotiques.
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Ghibli es-tu là ?
C’est peut-être d’ailleurs du fait de cette crise que le studio convoque plus que jamais son aîné Ghibli, dont la présence plane ici partout, que ce soit par la réappropriation d’un paysage de cocagne européenne cher à Miyazaki (Porco Rosso), le soin apporté à la cuisine, une poignée de motifs clin d’œil (la trompette matinale du Château dans le ciel).
Mais rien de tout cela ne prend puissamment vie et ne fait réellement monde – en tout cas pas d’une manière qui pourrait s’avérer comparable à l’idée qu’on se fait d’un Ghibli (ce qui est compréhensible), ni à celle qu’on se fait d’un Pixar (ce qui l’est un peu moins). Certes Pixar arrive toujours à dégainer au débotté, même au milieu d’un calme plat, des pics soudainement déchirants, mais Luca ressemble tout de même sacrément à un lot de consolation, à ce que le studio peut faire faute de mieux – ne trouvant par exemple aucune idée neuve à tirer de l’imaginaire océanique, ce qui accuse une certaine infériorité quand on est déjà le studio du Monde de Nemo et, indirectement, de La Petite Sirène. Deux films avec lesquels Luca ne souffre pas la comparaison.
Luca est disponible sur Disney+ dès le 18 juin 2021
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