La lutte d’un couple interracial dans l’Amérique des années 1960 avec un duo d’acteurs remarquable.
Le destin sait parfois se faire blagueur (ou poète, c’est selon). Comment par exemple expliquer autrement le fait que le mariage interracial qui rendit tous les autres possibles, dans l’Amérique encore très ségréguée des années 60, fut célébré, puis interdit, et enfin légalisé, entre monsieur et madame… Loving ?
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Jeff Nichols fait sa “Couleur pourpre”
Loving vs. Virginia, est ainsi le nom d’un célèbre arrêté de la Cour suprême fédérale qui trancha en faveur de ce couple condamné, par leur Etat de naissance, la Virginie, à l’exil ou à la prison. Ils choisirent la première option, et c’est leur histoire que le magnifique cinquième long métrage de Jeff Nichols raconte.
Comme toujours, la principale qualité de ses héros est leur opiniâtreté. Remarqué dans Midnight Special en buddy loyal de Michael Shannon (qui ne fait cette fois qu’un caméo, mais très touchant), Joel Edgerton compose un personnage paradoxal : maçon têtu mais résigné, posant des parpaings de plus en plus petits à mesure qu’il se fait humilier (belle idée de mise en scène).
Amoureux de sa terre natale et de son épouse, sûr de son bon droit (« ce n’est pas juste« , répète-t-il comme un mantra) il refuse le diktat du juge et s’échine à le contourner ; mais qu’il s’agisse de politiser son combat ou d’affirmer ses valeurs, il courbera systématiquement l’échine, face aux Blancs comme aux Noirs. Au contraire de son épouse (douce Ruth Negga, qui tient là son premier grand rôle) qui portera le combat au niveau fédéral grâce à un avocat des civil rights.
Si son précédent film, Midnight Special, avait été comparé à Rencontres du troisième type de Spielberg, c’est cette fois à La Couleur pourpre qu’on pourrait penser. Sauf que Loving, tout en reprenant la thématique et certains motifs de son aîné, en constitue précisément l’inverse. Nulle emphase ni sentimentalisme ici, mais une mise en scène carrée, sèche, d’un classicisme rigoureux (presque trop) qui retient jusqu’au bout l’émotion, comme on retient des lévriers de course sur la ligne de départ.
Le jour où il les lâchera pour de bon, il n’y aura pas grand-monde pour concourir.
Loving de Jeff Nichols (USA). Michael Shannon, Joel Edgerton, Marton Csokas, Ruth Negga. Sélection officielle: en compétition.
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