Love me est un film alambiqué mais qui touchera tous ceux qui ont un jour fait des rêves rock. Devant ce film, le cinéphile et la midinette rock en moi sont complètement clivés. Love me montre les fantasmes d’une jeune femme qui, depuis ses falaises normandes, regarde vers l’océan pour voir ailleurs si elle y […]
Love me est un film alambiqué mais qui touchera tous ceux qui ont un jour fait des rêves rock.
Devant ce film, le cinéphile et la midinette rock en moi sont complètement clivés. Love me montre les fantasmes d’une jeune femme qui, depuis ses falaises normandes, regarde vers l’océan pour voir ailleurs si elle y est elle rêve essentiellement d’Amérique, de néons clignotants, de clichés rock, d’une star déchue. D’un point de vue strictement cinéphile, le cas de Love me est vite réglé : voilà un projet beaucoup trop vaste pour les frêles épaules de sa réalisatrice qui grille la mince frontière séparant l’ambition de la prétention. Ce film est alambiqué à l’extrême, chargé d’afféteries tant scénaristiques qu’esthétiques, compliqué au lieu d’être complexe, sous prétexte que ça se passe dans le cerveau de l’héroïne. Lætitia Masson ne parvient pas à faire vibrer ses plans, ne produisant que du déjà-vu, de la mise en pages, des images mortes. Bref, c’est de l’expérimental scolaire, du Godard mal assimilé… On pourrait s’arrêter là. Sauf que tous ceux qui ont un jour fait des rock dreams seront touchés en pleine cible par ce film raté (le bouquin de Cohn/Peellaert, référence majeure de Love me, traîne dans un coin du mobile-home de Kiberlain).
A un moment de la projection, je me suis mis à penser à un vieil entretien de Little Bob dans lequel il expliquait comment il fantasmait sur l’Angleterre et l’Amérique depuis son rivage normand, comment ces songes portuaires inauguraux avaient d’une certaine manière construit sa vie. Or, deux minutes après cette fugace pensée, voilà que le rocker havrais fait une apparition très brève dans le film (une scène, de dos) ! Cet instant de télépathie m’a convaincu que ce film artificiel et embrouillé me parlait quand même directement. Et s’il est vrai que Love me n’est fait que de recyclage, de clichés et d’imagerie, il est aussi juste de noter que c’est là son sujet : rêver à partir d’un poster, fantasmer sur une certaine Amérique quand on est coincé en France, se projeter dans le fulgurant mirage Presley quand on est en cale sèche dans sa province. On connaît beaucoup de vocations, de vies intérieures qui ont décollé sur de tels fétichismes, aussi grandioses que dérisoires. C’est ce processus indicible que Love me effleure.
Et puis Masson réussit son coup avec Johnny. D’abord parce que Smet/Hallyday est l’incarnation suprême de ces Français fantasmant sur « l’autre côté », ensuite parce que la cinéaste a eu l’excellente idée de le présenter tel que beaucoup rêvent de le voir, chantant des standards en solo, unplugged. Johnny possède cette présence qui se suffit à elle-même. Il est là, point : c’est assez pour rendre vibrants quelques plans du film. Johnny chantant Loving you en anglais yaourt ou Johnny las au bar d’un club désert, ça résume et contient tout le projet de Masson.
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