Le tandem Delépine-Kervern redresse la barre (à gauche) avec une farce politique à la fois juste par son constat et agréablement disjonctée.
Dans Largo Winch, le patron est assassiné dès le départ ; le but du jeu, c’est que le fiston musclé récupère la fortune familiale. Dans Louise Michel, buter le patron est le seul enjeu. Le premier film est la version UMP du capitalisme ; le second illustre l’inverse, le point de vue de la gauche ouvrière. Ce n’est donc pas un biopic de la pasionaria révolutionnaire, mais l’illustration de ses idéaux, à la façon zinzin et distanciée de Benoît Delépine et Gustave Kervern. Après le réjouissant Aaltra et le plus abscons Avida, bien trop parti dans l’art pour l’art (référence marquée au surréalisme), Louise Michel redonne confiance dans le tandem de cinéastes issus de Canal+, qui s’avèrent tout à fait convaincants en conjuguant un constat sérieux et un regard déjanté.
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Constat sérieux : la délocalisation sauvage dont sont victimes les ouvrières d’une usine du Nord, région sinistrée s’il en est. La vision de l’usine complètement vidée de son contenu du jour au lendemain par un patron voyou, scène primitive du film, correspond exactement à une réalité qu’on a pu découvrir dans certains reportages ou documentaires télé. Regard déjanté : le processus d’abattage du patron proprement dit par le fantasque Bouli Lanners (Michel), tueur à la manque acoquiné avec la nunuche Yolande Moreau (Louise), est dans la lignée du burlesque habituel des Grolandais. Moralité, on ne se fait pas de souci pour les réalisateurs. Ils ont trouvé leur voie, entre humour à froid et subversion tous azimuts.
Seule la mise en scène n’est pas toujours à la hauteur de leur verve subtile et raffinée. On ne dit pas que Kervern et Delépine se sont embourgeoisés (ce qui serait un comble dans le contexte), mais ils oublient parfois la sobriété et l’immédiateté de leurs débuts. D’une certaine manière, ils embrassent trop et n’étreignent pas assez. Prenons un exemple : dans la séquence où Michel rend visite à ses parents, il débarque dans un lieu assez insensé, une gigantesque cour circulaire fermée autour de laquelle s’étagent des galeries donnant sur des appartements. Mais ce décor spectaculaire n’a aucune fonction précise dans le récit (ça pourrait aussi bien être une HLM ordinaire). Dans la même séquence, on voit les parents de Michel. Le père est joué par le dessinateur Siné. Hélas, on ne lui a rien demandé d’autre que de montrer sa tronche. Dommage, surtout lorsqu’on connaît le bagou du bougre. C’est le syndrome “guest star” du film (où apparaît aussi, entre autres, Denis Robert). Idem lorsqu’on voit s’effondrer l’immeuble de Louise au moment pile où elle en sort. Ce n’est qu’une image car ce n’est pas mis en perspective. L’effet bœuf tombe à plat.
Cela mis à part, le bilan est globalement positif, le ton hilarant, et le tandem vedette excellentissime dans un registre poétique. En prime, le sujet est synchrone avec l’actualité. Louise Michel, c’est Bienvenue chez les Ch’tis avec le couteau entre les dents.
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