La constitution, en Italie, d’un orchestre d’immigrés d’horizons divers. Un documentaire rugueux et joyeusement cahotique.
Ce documentaire permet d’abord de découvrir un coin de Rome méconnu à la splendeur passée, la piazza San Vittorio, devenu quartier d’élection des immigrés. Ensuite, ce que ça raconte – la constitution difficile d’un orchestre formé en grande partie d’étrangers de tous horizons – ressuscite l’ambiance exotique et cosmopolite des années 1970, marquées par exemple par un nouvel orientalisme. Enfin, la facture du documentaire est parfaitement au diapason de son sujet et de son récit, c’est-à-dire cahotique, heurtée, faite de pièces et de morceaux assemblés à la manière d’un patchwork (sentiment renforcé par la qualité variable de l’image, plus ou moins rugueuse, selon les cas et l’époque du tournage, qui s’est étalé sur plusieurs années).
Un film joyeusement hétérogène sur la formation d’un orchestre hétéroclite. Le plaisir de la vision provient d’un tournage un peu erratique, au jour le jour, suivant les démarches ardues pour trouver des musiciens.
Il n’y aurait sans doute pas de film si l’orchestre n’avait pu se former. Pourtant, à l’origine, la musique n’était qu’un épiphénomène. Il s’agissait d’organiser un événement pour empêcher la disparition du cinéma Apollo de la piazza San Vittorio, menacé de démolition ou de reconversion en surface commerciale.
Sûr, l’entreprise a un caractère bon enfant, tiers-mondiste, politiquement correct, voire boy-scout.
Une espèce de version musicale du célèbre United Colors de Benetton. Pourtant, cela n’est pas fait sur un mode putassier. La spontanéité brouillonne et les ratés du projet sont les garants de son authenticité. Ce n’est pas une fiction béate ni un chapelet de clichés publicitaires. La résistance du réel au projet constitue l’essentiel du film. Et puis il y a également la résistance symbolique à un certain réel, à cette Italie berlusconienne qui se raidit, et où la population s’en prend violemment aux immigrés.
Après, il y a la partie musicale en tant que telle, reflétant les tempéraments et cultures des membres de ce melting-pot musical, mixant Africains, Indiens, Sud-Américains, Italiens et autres, et faisant fusionner rythmes africains et timbres aux dissonances orientales. Comme l’orchestre, dirigé par un Italien sympathique mais souvent dépassé par les événements, le film est un work in progress dans lequel l’essentiel n’est pas le résultat mais le processus lui-même. Sans ce côté aléatoire, sans ces remises en question et coups de théâtre permanents, le film n’aurait pas autant de charme.