Plaisant thriller high-tech et hitchcockien produit par Spielberg, où Œdipe croise l’œil de Moscou.
Steven Spielberg producteur persiste à voir en Shia LaBeouf un nouvel archétype de l’Américain ordinaire de blockbuster, homme-enfant façon Tom Hanks des débuts. Ou peut-être un James Stewart qui jouerait à Rock Band, puisque après Paranoiak du même D.J. Caruso (un Fenêtre sur cour faiblement “upgradé”), l’acteur joue ici dans un thriller high-tech louchant sur La Mort aux trousses, avec un détour par L’Homme qui en savait trop – et même 2001, le film se voulant plus hitchcockien-kubrickien qu’hitchcockien-hawksien. Notre american boy est donc plongé contre son gré dans un énième complot gouvernemental, constamment épié par un ennemi invisible contrôlant feux rouges, internet et distributeurs de billets. Là où Hitchcock joue sur les lignes de fuite, L’Œil du mal jouit dans la fuite en avant des films d’action contemporains, empilant les dangers avec davantage de frénésie que d’élégance : on le voit dans sa meilleure scène, le cliché “Cary Grant contre l’avion dans le champ” revu et corrigé en cauchemar EDF.
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Spielberg a toujours canalisé la face sombre de sa veine régressive via d’autres cinéastes (Joe Dante avec Gremlins, Michael Bay avec Transformers), et L’Œil du mal évoque un Les Dents de la mer hystérique, plaisant par sa spirale de péripéties, et où les téléphones portables auraient remplacé les requins. Mais le plus intéressant ici n’est pas la facture de film parano-pop sur les libertés individuelles bafouées à la Ennemi d’Etat. L’Œil du mal répond en cette fin d’année à une question qu’on ne s’était jamais posée : le XXIe siècle sera-t-il hitchcockien ? Oui. Après, dans d’autres genres cette année, My Name Is Hallam Foe et Two Lovers, voilà encore les affres de Hitch reformulées, revitalisées par un conflit œdipien où le héros, gamin attardé tombé du nid, est aux prises avec une mère pesante – et maman a tort dans Psychose, Marnie et La Mort aux trousses. Elles sont ici deux : Michelle Monaghan, l’un des plus beaux nez retroussés du cinéma US actuel, en mère célibataire et compagne d’infortune de LaBeouf, toujours déterminée derrière sa jolie frimousse, que ce soit chez les Farrelly (Les Femmes de ses rêves) ou Ben Affleck (Gone Baby Gone). Il y a surtout la méchante principale, la big sister de l’histoire, qui habille, mène le héros à la baguette (“nous savons tout de vous”, “vous manquez d’ambition”, menace-t-elle avec la voix de Julianne Moore), garnit son compte en banque et veut au passage supprimer l’exécutif américain pour son impulsivité face au terrorisme. On se rappelle alors que Spielberg soutenait Hillary Clinton pendant les primaires de la présidentielle : dormez bien, bonnes gens, maman, le meilleur ennemi des garçons, veille, prête à vous castrer.
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