Au départ une commande du théatre de Gennevilliers. Un cahier des charges léger. Un : filmer Gennevilliers. Deux : tourner en six jours un court-métrage. Christophe Honoré a aménagé la premiere – en offrant un drôle contrechamps à Gennevilliers, non pas Paris mais New-York, ville dans laquelle en montage alterné se situe l’action. Et il […]
Au départ une commande du théatre de Gennevilliers. Un cahier des charges léger. Un : filmer Gennevilliers. Deux : tourner en six jours un court-métrage. Christophe Honoré a aménagé la premiere – en offrant un drôle contrechamps à Gennevilliers, non pas Paris mais New-York, ville dans laquelle en montage alterné se situe l’action. Et il n’a pas respecté la seconde : en six jours, il a malgré tout (malgré le peu de temps, le peu de moyens…) tourné un nouveau long-métrage, Homme au bain, un film vraiment étonnant, qui a la vitesse et la force de frappe d’un violent uppercut.
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Comment mettre à nu un acteur qui ne tourne que nu ? Ce pourrait être une des mille questions à la fois malicieuses et théoriques que se pose le film et qu’il résout de façon à la fois implacable et gracieuse.
La star du X François Sagat apparait ici aux antipodes du surhomme sexuel construit par ses films pornos et exagéré avec humour par le L.A zombie de Bruce La Bruce. Honoré utilise toutes ses aptitudes (son corps, son sexe, ses mini-chorés de strip-teaser) tout en lui donnant accès à ce que ses précédents films lui interdisaient : des affects, des sentiments amoureux, une vie intérieure. Comment filmer le sexe, avec une star du X, absolument à l’inverse de ce que proposer la pornographie, c’est un des autres tours de force du film.
On baise beaucoup dans Homme au bain : de façon très tendre mais aussi très violente, de façon très joyeuse mais aussi très mélancolique. Et, du désir au désespoir, le film propose un tour étonnamment exhaustif de tous les états (sensibles) dans lequel nous plongent des ébats (sexuels). Avec à chaque fois une acuité stupéfiante pour capter les gestes par lesquels se manifestent les sentiments.
Un dos de main qui frôle un torse pour signifier une séparation, un slip jeté vers l’objet du désir, une fessée qui dégénère, un garçon qui rase l’anus de celui qu’il va pénétrer: le film est d’une acuité inouie sur l’intimité sexuelle, cet endroit où le moindre geste est chargé de la plus grande plénitude émotionnelle.
Mais ce qu’enregistre ce journal d’une rupture c’est surtout la très forte instabilité de l’attachement amoureux, qui fait que celui qui quitte, après avoir traversé tout un relief fait d’ivresse et d’émancipation, se retrouve lui aussi abandonné, alors que celui qui a subi la rupture a pu, sans très bien savoir comment, se reconstruire.
Le film est à la fois bouleversant et en apesanteur. Il sort le 22 septembre prochain et on y reviendra donc longuement et très vite.
Un très beau court-métrage de Bonello
C’est également à Gennevilliers que se situe l’autre beau film du jour (issu du même cadre de commande). Where the boys are pourrait être le titre du film de Christophe Honoré, mais c’est celui du beau court-métrage de Bertrand Bonelle. Et aussi d’une chanson de Connie Francis qui ouvre le film.
Où sont les garçons ? C’est le questionnement insistant de quatre adolescentes qui vivent dans le même immeuble et partagent l’impatience sexuelle propre à leur âge. Les garçons ne sont pourtant pas très loin. De l’autre côté de la rue exactement, où on construit une mosquée.
Deux espaces contigûes mais séparés ; la chambre et le chantier ; le désir et la religion ; le masculin et le féminin. Qui se regardent en chien de faïence, avec tour à tour une indifférence feinte ou une convoitise masquée. Le dispositif a la force de l’évidence et Bonello en extirpe de magnifiques moments de mise en scène.
Où sont les garçons, donc ? La réponse qu’apportent les deux films est toute en paradoxes. Une chose est sûre en tout cas, c’est l’endroit où sont les beaux films français en ce moment. Réponse inattendue : à Gennevilliers.
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