Deux adolescentes musiciennes se lient d’une amitié passionnelle. Une réussite poignante qui confirme l’avènement d’une grande cinéaste d’animation.
L’an dernier sortait Silent Voice, film d’animation délicat dans lequel un jeune homme rongé par les remords part à la recherche de la jeune fille sourde qu’il martyrisait au lycée. Fable puissante et gracile sur le harcèlement scolaire, le film avait valu à sa réalisatrice Naoko Yamada de nombreux prix dans son Japon natal, et une reconnaissance internationale heureuse. C’est auréolée de ce beau succès que la cinéaste et animatrice prodige livre Liz et l’Oiseau bleu, nouveau film d’animation, et nouveau coup de maître.
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Des séquences animées sublimes
S’y raconte l’histoire d’amitié (voire d’amour naissant) contrariée que vivent deux lycéennes : l’extravertie et populaire Nozomi et la discrète Mizore, toutes deux membres du club de musique de leur établissement.
Dans les travées dépeuplées de leur lycée, qu’embrase le feu d’un début d’été, les deux jeunes femmes et leurs camarades musiciennes répètent leur partition en vue du concert de fin d’année : une pièce musicale basée sur le conte pastoral Liz et l’Oiseau bleu, dans lequel une jeune femme solitaire vit une amitié foudroyante avec un oiseau capable de se transformer en jeune fille au point du jour.
L’histoire de Liz et de l’oiseau, qui nous est relatée au gré de séquences animées sublimes, composées en aquarelles léchées, trouve dans l’amitié à la fois solaire et ombrageuse de Nozomi et Mizore un écho troublant. Et si l’on est d’abord tenté de voir la timide et solitaire Mizore en Liz et l’incandescente Nozomi en oiseau bleu, les secrets enfouis de leur amitié passionnelle pourraient brouiller nos certitudes.
Une mise en scène magnifiée par une science du cadrage
Incroyable de justesse lorsqu’il ausculte, avec un sens de l’épure prodigieux, les sentiments complexes de lycéennes au crépuscule de leur adolescence, Liz et l’Oiseau bleu est aussi un film musical aérien, où les émotions indicibles qui foudroient les deux héroïnes, et les non-dits qui tapissent leur rapport à l’autre, vibrent à travers le dialogue mélodieux qu’elles se livrent, l’une à la flûte, l’autre au hautbois.
Loin d’émuler la ligne claire miyazakienne, le trait génial de Naoko Yamada s’exprime en touches impressionnistes délicates, où transparaît son goût affirmé pour la peinture à l’huile, relique de sa formation d’artiste.
Mais c’est surtout sa mise en scène, magnifiée par une science du cadrage à faire pâlir plus d’un cinéaste, qui subjugue et parvient à saisir d’infimes détails – les jambes arquées de Nozomi, son chignon en balancier lorsqu’elle marche, une larme qui vacille au coin d’un œil – pour en tirer de petits événements cinématographiques.
Lumineux quoique bercé d’une mélancolie languide, poignant sans être lacrymal, Liz et l’Oiseau bleu parachève l’avènement artistique de Naoko Yamada, figure désormais incontournable du renouveau de l’animation japonaise.
Liz et l’Oiseau bleu de Naoko Yamada (Jap., 2018, 1 h 29)
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