“Pasolini toujours se voit se voir et, en quelque sorte, ne fait que se traduire, ou, dans les deux sens, se trahir”, écrit Hervé Joubert-Laurencin. Lorsque Pasolini inaugure son œuvre de cinéaste, il n’éprouve rien de plus violent et de plus nécessaire que de renoncer à la littérature et à son œuvre poétique déjà immense […]
« Pasolini toujours se voit se voir et, en quelque sorte, ne fait que se traduire, ou, dans les deux sens, se trahir », écrit Hervé Joubert-Laurencin. Lorsque Pasolini inaugure son œuvre de cinéaste, il n’éprouve rien de plus violent et de plus nécessaire que de renoncer à la littérature et à son œuvre poétique déjà immense de les trahir. La trahison comme Pétrole lui aussi tente de trahir la littérature est à l’acte de naissance de Pasolini cinéaste, comme la trahison est à la genèse de l’œuvre et de la vie du poète (Pasolini a cru trahir son jeune frère, mort pendant la guerre). Par trahison, il faut entendre ici le double mouvement d’un abandon, d’un appel resté sans écho, d’une rupture, et celui d’un jaillissement à partir duquel tout est à réinventer. Rarement n’aura été révélée, montrée, éclairée la profondeur de la polyphonie chez Pasolini, et ses perspectives interminables brûlées par leur propre profusion, comme dans le portrait dessiné par Hervé Joubert-Laurencin. « Dessiné » est une expression impropre pour le regard qui semble lui aussi sans limites et interminable à l’œuvre ici et qui met en lumière les deux visages mêlés, celui du poète et du cinéaste Pasolini.
La question qui se propage ici, celle de la métamorphose comment un poète devient-il cinéaste ?, se fait double : comment un critique devient-il poète ? Il ne serait (presque) rien de faire à nouveau une analyse du langage cinématographique de Pasolini, si cette analyse ne devenait pas elle-même une œuvre à part entière, un regard qui éclaire et se nourrit de son objet autant qu’il lui donne l’occasion d’une nouvelle naissance. Ce « faire corps » avec son objet change « la critique » en une expérience limite ou hérétique, met en œuvre l’inceste des deux langues de l’artiste et du « critique » dans une fidélité intime à l’œuvre, à la poésie réelle de Pasolini. Le « portrait » se fait poème.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
{"type":"Banniere-Basse"}