Ce livre court (et non petit) est un événement éditorial, une avancée technologique foudroyante : pour la première fois au monde, on parvient à enregistrer une voix sur papier. Et quelle voix ! Celle de Jacques Tati. Non ? Si. Alors que son personnage emblématique parvenait tout juste du bout des lèvres occupées à […]
Ce livre court (et non petit) est un événement éditorial, une avancée technologique foudroyante : pour la première fois au monde, on parvient à enregistrer une voix sur papier. Et quelle voix ! Celle de Jacques Tati. Non ? Si. Alors que son personnage emblématique parvenait tout juste du bout des lèvres occupées à mâcher une pipe et sur la pointe des pieds à bougonner timidement son nom, Tati avait une voix et un ton, et Jean-André Fieschi nous les restitue bien mieux que n’importe quel CD, simplement parce qu’il a compris que la voix n’est pas sonore.
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D’abord, Fieschi nous explique comment il a fait parler Tati. Il a ce ton rogue des vieux cinéphiles qui se désespèrent du cinéma d’aujourd’hui. Après avoir lâché quelques vannes désagréables, il nous lance Tati aux oreilles, venu parler aux élèves en cinéma de feu l’Idhec il y a tout juste quinze ans, alors que François M. vient d’être élu (Tati mourra l’année suivante). Et c’est une merveille de vie et de liberté de ton : Tati est venu sans montre et il a l’intention de prendre son temps.
Oh ! il ne dit rien d’extraordinaire ou de très nouveau, juste des choses très belles, parfois drôles, souvent tristes, et très simples : « C’est quand même un moyen formidable, le cinéma… Je dis ça pour vous… » Il raconte que le cinéma, c’est très dur, que le cinéaste est seul, contre les techniciens (« les types »), qu’il s’agit de faire du « sur mesure », qu’il faut être exigeant et travailler dans le détail, et que ça empêche de dormir… Aucun scoop donc, tout juste une façon de présenter les choses, celle qui fait la différence entre les techniciens et les artistes : le flacon participe lui aussi de l’ivresse.
Et puis, il y a ce moment étonnant où Fieschi nous émeut en racontant comment il a fait larmoyer Tati en lui racontant les larmes de Keaton (tout le monde pleure, comme dans ce café, vous savez, en Mai 68, où tout le monde pleurait parce qu’une bombe lacrymogène avait explosé).
Alors voilà, on rangera ce livre publié par les excellentes éditions Ciné-Fils (qui publient la non moins excellente revue Limelight), entre l’ouvrage de Michel Chion et l’article de Jonathan Rosenbaum (« La Mort de Hulot ») paru dans la revue Trafic n° 2, deux textes auxquels finalement il ne manquait que la parole.
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