Comment un tournage qui vire au désastre accouche de la comédie la plus drôle du monde. Tony Curtis se souvient de Certains l’aiment chaud.
En 1958, Billy Wilder a déjà réalisé les films qui ont fait de lui l’un des réalisateurs les plus en vogue de Hollywood : Assurance sur la mort, Boulevard du Crépuscule et Sabrina, tous signés à la Paramount – dont il s’est pourtant émancipé à partir du milieu des années 50.
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Asphyxié par les grands studios, Wilder ne développera ses opus suivants (Ariane, Témoin a charge) qu’au sein de productions indépendantes qui lui donnent davantage de liberté.
C’est dans ce contexte que naît le projet de Certains l’aiment chaud : inspiré d’un film français de 1935, Fanfare d’amour, il présente ce double défi de vouloir travestir deux “beaux gosses” d’Hollywood en femmes et de remettre en selle Marilyn (qui n’a pas tourné depuis deux ans et a laissé Wilder exsangue après leur collaboration sur Sept ans de réflexion).
Le tournage va durer presque quatre mois, s’interrompre à plusieurs reprises, et faire perdre leur latin à bon nombre de techniciens, acteurs, et à Wilder lui-même. Because ? Because Marilyn…
Plus de cinquante ans plus tard, Tony Curtis, alors jeune premier prometteur à Universal, offre le récit de ce tournage épique. Aux côtés de Jack Lemmon, il incarne Joe, un saxophoniste vaniteux qui va devoir se travestir en prude Joséphine pour intégrer un orchestre féminin et échapper ainsi à la Mafia.
Face à lui, Marylin interprète Sugar, la chanteuse que Joe veut à tout prix séduire. Entre la superstar peroxydée et le jouvenceau le plus sexy d’Hollywood (marié à l’époque à Janet Leigh), comment ne pourrait-il pas y avoir un semblant de trouble ? Si fait : Marylin et Curtis ont déjà eu une aventure en 1950, alors qu’ils n’étaient que “deux gosses en route pour la gloire”.
Sur Certains l’aiment chaud, ils vont échanger des baisers hors champ et repasser une nuit ensemble, trompant la vigilance d’Arthur Miller, marié à la star, et de Paula Strasberg (épouse de Lee), que Curtis décrit comme deux vautours squattant le tournage et enserrant Marylin de leur influence mortifère.
Curtis livre en fait un impressionnant document sur l’équation sublimement énigmatique de M. M. (“Marilyn Missing”, disait Wilder pour stigmatiser ses retards à répétition). Son rayonnement est celui d’une boule à facettes : séductrice à mort et dans la pleine puissance de son sex appeal (elle agrandit le décolleté de sa robe contre l’avis de Wilder), le lendemain totalement destroy (les yeux gonflés par les somnifères sans lesquels elle ne trouvait pas le sommeil) ou refusant de sortir de sa chambre (sabrant le champagne dès le petit-déj).
Douée d’un narcissisme sans limites (elle trouve que Wilder ne la filme pas assez comme une star, et exige qu’une figurante se teigne en brune pour être la seule blonde d’une scène), elle peut s’effondrer en pleine prise, n’arrivant pas à aligner deux répliques, en proie à un manque de confiance permanent.
Marilyn a-t-elle jamais été sereine ?, se demande-t-on avec Curtis. Et surtout, par quel miracle de cinégénie ce sublime désastre a-t-il pu offrir au cinéma sa plus radieuse comédie ?
“Certains l’aiment chaud” et Marilyn de Tony Curtis (avec la collaboration de Mark A. Vieira), Le Serpent à Plumes, traduit de l’anglais par David Fauquemberg, 316 pages, 23€
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