Après un pavé passionnant sur Louise Brooks en 1993, Barry Paris livre aujourd’hui une bio exhaustive de Greta Garbo. Peu intéressantes d’un point de vue littéraire, en particulier à cause d’une traduction laborieuse, ces 500 pages regorgent en revanche de détails recoupés avec un soin d’entomologiste. De ses débuts, coïncidant avec ceux du cinéma suédois, […]
Après un pavé passionnant sur Louise Brooks en 1993, Barry Paris livre aujourd’hui une bio exhaustive de Greta Garbo. Peu intéressantes d’un point de vue littéraire, en particulier à cause d’une traduction laborieuse, ces 500 pages regorgent en revanche de détails recoupés avec un soin d’entomologiste. De ses débuts, coïncidant avec ceux du cinéma suédois, jusqu’à sa fin pathétique de très vieille dame, en passant par les inévitables interrogations sur sa sexualité (un chapitre s’intitule « Sexe et psychologie » !), tout, vous saurez tout sur la Divine. Tout, ce peut être le pire comme le meilleur : à chacun de faire son marché. Une telle bio peut aussi bien combler les lecteurs de Paris Match que les plus exigeants des cinéphiles. Outre son talent propre, sa beauté indéniable (on vérifia sur ses traits le nombre d’or), sa photogénie unique, il faut s’imaginer l’impact d’une star du cinéma muet, puis du parlant avant l’arrivée de la télévision. L’auteur en profite pour développer la notion de scopophilie : une relation érotique avec une icône de l’écran. Etre ainsi l’objet de tant d’attention si ce n’est d’admiration n’a jamais fondamentalement convenu à Garbo, et a même fini par l’effrayer. Son refus des engagements périphériques aux tournages proprement dits ne tarda d’ailleurs pas à se muer en misanthropie. Mais au-delà de Garbo elle-même, ce livre est un formidable témoignage sur les méthodes des studios hollywoodiens de l’époque, au même titre que les fameux Mémos de Selznick. Ainsi, si l’on considère que c’est La Tentatrice qui fit de Garbo une star en 1926, c’est vrai du point de vue critique, mais beaucoup moins du côté des entrées (perte nette de 43 000 dollars, due en particulier à un allongement de la durée du tournage). Or les producteurs de la MGM, Louis B. Mayer et Irving Thalberg, étaient déjà tellement sûrs de son potentiel qu’ils cachèrent soigneusement ce relatif échec financier, et la presse relaya naïvement le prétendu « énorme succès » du film. Une nouvelle star était née ! Le service de presse du studio « fliquait ses interviews », ce qui contribua à son mythique secret : c’est à la limitation de sa liberté d’expression autant qu’aux interviews elles-mêmes que s’est refusée Garbo. Alors que toutes les stars de l’époque se laissaient domestiquer par leur studio, et particulièrement leurs
services de publicité, elle fut la première à ruer dans les brancards. Et la presse, qui aurait pu décider de jouer le black-out, s’engouffra au contraire dans cette brèche en la traquant de manière obsessionnelle jusqu’à la fin. D’un accident de parcours, elle fit un atout à part entière de sa légende… Au final, une pléthore de faits et gestes aura été implacablement alignée, mais Garbo garde tout son mystère. 500 pages ne peuvent « démonter » un être humain comme un moteur, surtout lorsqu’il s’agit d’une incarnation du secret.
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